Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.17. Liechtenstein
II.17.1. L’accord douanier
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 216
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7350#1000/1104#63* | |
Old classification | CH-BAR E 7350(-)1000/1104 30 | |
Dossier title | Eidg. Politisches Departement (1914–1918) | |
File reference archive | 4.1. |
dodis.ch/44858 Le Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess, au Chef du Département politique, G. Motta1
Vous avez bien voulu nous transmettre, par office du 20 juillet 19222, une copie de la note3 dans laquelle la Légation du Liechtenstein en Suisse propose d’amender diverses dispositions du projet de convention douanière que le Département politique lui a envoyé le 3 février dernier. Vous nous demandez d’examiner ces amendements, dans la mesure où ils sont de notre ressort, et de vous faire connaître notre manière de voir.
Ainsi que nous avons eu l’honneur de l’exposer au Conseil fédéral, en séance du 18 janvier dernier4, une union douanière entre la Suisse et la Principauté du Liechtenstein nous paraît se heurter à de grandes difficultés et soulever de sérieuses objections, d’ordre constitutionnel notamment. A ce propos, nous renvoyons à l’extrait du procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 18 janvier 1922. Nous persistons dans notre opinion qu’il eût été préférable de ne pas donner suite à ce projet. Nous rappelons aussi la requête que le Comité d’initiative institué à Buchs pour combattre l’union douanière avec le Liechtenstein a adressée au Conseil fédéral, le 15 février dernier.5 Les arguments qui y sont exposés ne sauraient être négligés. Bornons-nous à rappeler que la nouvelle frontière douanière (entre le Vorarlberg et le Liechtenstein) serait particulièrement favorable à la contrebande et nécessiterait vraisemblablement une surveillance plus coûteuse que sur la frontière naturelle du Rhin, beaucoup plus difficile à franchir.
Il semble bien d’ailleurs que dans la population du Liechtenstein les opinions divergent quant au projet dont il s’agit. L’opinion de ceux qui y sont hostiles a trouvé un écho dans trois articles publiés par le «Lichtensteiner Volksblatt» (Voir numéros 48, 49 et 51 dès 17, 21 et 28 juin 1922). La lecture de ces articles porte à croire que la population du Liechtenstein n’est pas renseignée ou ne l’est qu’insuffisamment sur la portée de l’union douanière projetée. L’auteur de ces articles, M. Rudolf Real, commerçant à Vaduz, est d’avis que cette union douanière n’offrirait que des inconvénients pour son pays et aggraverait sa situation économi
Tout en maintenant notre opposition de principe, nous exprimons ci-après notre opinion à l’égard des amendements proposés par le Gouvernement Liechtensteinois, dans la mesure où l’affaire relève du Département de l’Economie publique.
Ad art. 1. – a. Nous estimons que l’article 1er du projet suffit amplement. Il va sans dire que si le Liechtenstein était rattaché douanièrement à la Suisse, aucune restriction ou défense d’importation et d’exportation ne pourrait plus être appliquée ni aucun droit de douane perçu à la frontière politique entre les deux pays. Néanmoins, si le Gouvernement du Liechtenstein devait insister, nous ne nous opposerions pas à ce que cela fût déclaré à l’article 1er.
Par contre, nous ne pourrions pas nous rallier au texte proposé par le Gouvernement du Liechtenstein et qui est ainsi conçu:
«An der Schweizerisch-Liechtensteinischen Grenze dürfen daher während der Dauer dieses Vertrages von keiner Seite Abgaben erhoben oder Ein- und Ausfuhrbeschränkungen und -Verbote erlassen werden, die interkantonal nicht zulässig sind.»
Si ce texte était inséré dans la convention, on pourrait en inférer que, dans le trafic intercantonal, les cantons sont autorisés à percevoir des droits et à décréter des défenses ou restrictions à l’importation et à l’exportation. Or, tel n’est pas le
b. Le Gouvernement du Liechtenstein exprime le désir que l’entrée des travailleurs sur le territoire des deux pays contractants, tout au moins en ce qui concerne leurs ressortissants, soit permise. Nous estimons que cette question devrait faire l’objet d’une convention spéciale. En tout cas, si le principe proposé par le Gouvernement Liechtensteinois était adopté, il ne saurait être étendu à d’autres personnes que les nationaux des deux pays.
c. Le Gouvernement de la Principauté déclare que les communes du Bas-Liechtenstein possèdent en Vorarlberg six alpages (Tiefensee, Fahren, Ziersch, Rautz, Silbertal et Heuberg), où elles mettent en estivage 420 pièces de gros bétail. Sur l’un de ces alpages, le bétail liechtensteinois est mêlé à des animaux vorarlbergeois. Or, en cas d’union douanière entre la Suisse et la Principauté, les paysans du Bas-Liechtenstein voudraient pouvoir continuer à mettre leur bétail en estivage sur les alpages du Vorarlberg et, en automne, à le réintroduire librement dans la Principauté.
La Suisse ne peut prendre aucun engagement à cet égard. Notre Office vétérinaire fait remarquer, à juste titre, qu’au point de vue de la police des épizooties l’union douanière entre les deux pays n’offrirait pour la Suisse que des inconvénients et exposerait à un grand danger de contamination les régions suisses limitrophes du Liechtenstein. Ainsi que nous l’avons déjà dit dans notre rapport au Conseil fédéral du 14 janvier 1921, toute la législation fédérale concernant la police des épizooties et l’importation du bétail, de la viande et des préparations de viande devrait régir le Liechtenstein, s’il était rattaché douanièrement à la Suisse. Or, l’estivage est réglé par les articles 71 à 75 de l’ordonnance au 30 août 1920 relative à l’exécution de la loi fédérale sur les mesures à prendre pour combattre les épizooties, l’article 75 prévoit notamment que l’estivage de bétail à l’étranger ne peut être autorisé qu’exceptionnellement par l’Office vétérinaire. C’est donc à cet Office qu’il appartiendrait de décider chaque année si les conditions sanitaires s’opposent ou non à l’estivage de bétail liechtensteinois sur territoire vorarlbergeois. Il ne peut dès lors pas être question d’insérer dans la convention une clause qui, à cet égard, nous lierait d’une manière quelconque.
Ad art. 4. – En cas d’union douanière, toute la législation indiquée sous lettre F de l’annexe I au projet de convention devrait être appliquée au Liechtenstein. Nous n’avons rien à retrancher de cette nomenclature. Au contraire, il faut y ajouter l’arrêté du Conseil fédéral sur les documents d’origine, du 30 août 1918.6 Pour ce qui est de la législation relevant du Département de l’Economie publique, on ne saurait en différer l’application à une date postérieure à l’entrée en vigueur de l’union douanière. Il va sans dire que notamment la législation concernant les épizooties devrait régir le Liechtenstein dès son rattachement douanier à la Suisse.
Ad art. 5. – Le chiffre 2 de cet article prévoit que les dispositions de la législation fédérale en vertu desquelles la Confédération accorde des subsides aux cantons ne sont pas applicables au Liechtenstein. Le Gouvernement de la Principauté estime que cette clause n’exclut pas les cas où la Confédération serait tenue à «indemniser» des particuliers. Nous pourrions nous rallier à cette interprétation, étant bien entendu que la convention douanière ne fonderait, à l’égard de particuliers du Liechtenstein, aucun droit à réclamer, à quelque titre que ce soit, une indemnité à la Confédération.
Ad art. 8. – Nous ne verrions pas d’inconvénients à ce que, lors de négociations entre la Suisse et l’Autriche relativement à la conclusion d’un traité de commerce, l’occasion fût donnée au Liechtenstein d’émettre ses désiderata. Mais il n’est pas nécessaire de le stipuler dans la convention.
Ad art. 9. – A notre avis, c’est dans la convention douanière que le Gouvernement de la Principauté aurait à s’engager à ne fonder ni à ne tolérer aucune maison de jeux sur son territoire. Cet engagement serait une des conditions sine qua non de l’union douanière et s’il était violé, la Suisse pourrait dénoncer la convention.
Ad art. 15, 16, 21, 23 et 27. – C’est au Département fédéral des Douanes qu’il appartient de se prononcer en premier lieu sur les propositions présentées par le Gouvernement du Liechtenstein relativement à ces articles du projet de convention.
Ad art. 28 et 29. – Nous insistons pour que les autorités judiciaires du Liechtenstein ne connaissent qu’en première instance des contraventions à la partie de la législation fédérale qui régirait la Principauté, si la convention douanière était conclue. Le Tribunal cantonal de St-Gall et non pas la Cour suprême de Vaduz serait l’instance d’appel. En cas d’union douanière, la Suisse aurait un intérêt majeur à ce que la législation fédérale dont il s’agit fût intégralement et strictement appliquée dans la Principauté. Or, il est indispensable que la Suisse ait des garanties à ce sujet. Elle ne saurait renoncer à celle que lui confèrent les articles 28, 2e alinéa et 29, 2e alinéa, du projet de convention.
Ad art. 34. – La question qui fait l’objet de cette disposition du projet ne nous semble pas encore élucidée. Sur quelles données se base-t-on pour fixer à fr. 150000.– par an la somme que la Confédération verserait au Liechtenstein pour sa quote-part aux recettes douanières, au produit des taxes perçues en vertu de la législation fédérale devant être appliquée dans la Principauté et aux subsides que la Confédération pourrait se trouver dans le cas de devoir verser en vertu de cette législation, si ce versement n’était pas exclu par l’article 5, 2e alinéa, du projet? Il est nécessaire de tirer cette question au clair.
Ad art. 36. – Le Gouvernement du Liechtenstein voudrait que fût supprimée la dernière phrase de l’article 36 prévoyant que les ordonnances d’exécution à édicter par le Gouvernement princier pour assurer l’application de la législation fédérale entrant en ligne de compte, devront être soumises à l’approbation du Conseil fédéral. Nous ne croyons pas qu’il y ait lieu, à cet égard, de traiter le Liechtenstein autrement qu’un canton suisse. Dans tous les cas où les cantons doivent soumettre leurs ordonnances d’exécution à l’approbation du Conseil fédéral, le Gouvernement du Liechtenstein devrait le faire aussi.
Ad art. 39. – Il nous semble préférable de s’en tenir au texte de cet article. En prévision des difficultés que pourrait rencontrer l’exécution de la convention, il vaut mieux ne pas se lier pour de trop longues périodes. On peut même se demander s’il ne serait pas prudent de substituer à l’art. 39 une disposition déclarant que les parties peuvent en tout temps dénoncer la convention à un an ou même à six mois. Il faut en effet prévoir le cas où le Liechtenstein appliquerait d’une façon insuffisante la législation fédérale le concernant.
P.S. Nous estimons indispensable d’insérer dans le projet de convention une disposition ainsi conçue:
«Si les autorités du Liechtenstein n’appliquent pas ou appliquent d’une façon insuffisante les prescriptions énoncées à l’annexe I7, notamment celles qui concernent la lutte contre les épidémies, la police des épizooties, le commerce des denrées alimentaires et d’autres objets usuels, l’interdiction de fabriquer certains produits ou d’en faire le commerce, le Conseil fédéral pourra rétablir sans délai et de plein droit, indépendamment de la dénonciation de la convention, le contrôle légal à la frontière politique entre la Suisse et le Liechtenstein. C’est au Conseil fédéral qu’il appartient de décider souverainement si ce contrôle doit être rétabli.»
- 1
- Rapport (Copie): EVD Zentrale 1914-18/29-30.95/GB. Paraphe: KW.↩
- 2
- Non reproduite, cf. E 2001 (B) 4/5.↩
- 3
- Non reproduite. Cette note a été remise par le Chargé d'Affaires du Liechtenstein le 17 juillet 1922. Cf. E 2001 (B) 4/5.↩
- 4
- Cf. no 158.↩
- 5
- Non reproduite. Cf. E 2001 (B) 4/5.↩
- 6
- RO, 1918, Tome 34, pp. 927-936.↩
- 7
- Il s’agit de l’annexe I au projet de Convention, non reproduit, cf. no 158.↩