Language: French
12.12.1921 (Monday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 12.12.1921
Secret minutes of the Federal Council (PVCF-S)
A propos de la reconnaissance du gouvernement des Soviets, des informations indiquent que la France s’y préparerait. Consolidation du régime. Conditions pour la reprise des échanges commerciaux. Envoi d’or russe en Suisse.

Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.22. Russie
II.22.1. La question de la reprise des relations commerciales et des intérêts suisses
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Printed in

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 139

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Bern 1988

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dodis.ch/44781
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 12 décembre 19211

Relations avec la Russie des Soviets

Département de l’Economie publique. Verbal.

M. le Président Schulthess expose que, selon des renseignements de source sûre, qu’il a communiqués il y a quelques jours au Chef du Département politique, la France s’apprête à son tour à entrer en relations avec la Russie des Soviets. Il apparaît de plus en plus que, dans l’état de décomposition où est tombée la Russie, nul autre que les Soviets ne peut et ne voudrait prendre la responsabilité du gouvernement de ce pays, et que le régime des Soviets, plus au moins atténué, s’y consolidera. Les Etats arrivent peu à peu à la conviction que l’absence de relations avec la Russie ne peut se prolonger indéfiniment sans leur être nuisible, et entrent successivement en pourparlers avec le gouvernement des Soviets. La Suisse peutelle rester spectatrice passive de la reprise des affaires, et se confiner seule dans une abstention stérile? Cela n’est pas admissible. On a prétendu que la reprise des relations commerciales avec la Russie serait un leurre, attendu que les Soviets n’ont plus rien à offrir en échange des marchandises que nous pourrions leur livrer. Mais à en juger par les envois qu’ils font à d’autres pays par le canal de la Suisse, ils ont de l’or. La condition première de la reprise des relations serait que la Russie fît en Suisse des commandes, dont le paiement serait garanti par des dépôts. Toute considération de sentiment doit s’effacer devant le souci de procurer du travail à notre industrie.

M. le Conseiller fédéral Motta reconnaît toute l’importance du problème. Mais il est à prévoir que les Soviets voudront lier à la reprise des relations commerciales celle des relations politiques, soit la reconnaissance du gouvernement des Soviets par la Suisse. Ce qui s’est passé en Italie avec la mission soi-disant commerciale des Soviets en est un exemple. Les renseignements que nous recevons de notre légation à Varsovie nous engagent aussi à être très circonspects. L’affaire ne doit pas être perdue de vue. Un jour ou l’autre, la question de la reconnaissance du gouvernement russe se posera. Mais pour le moment, on ne saurait être trop réservé. Si une proposition de reprise des relations commerciales était faite par la Russie, on pourrait l’examiner, mais nous ne devrions pas en prendre l’initiative.

M. le vice-président Haab expose la situation au point de vue des relations postales. Il n’existe pas de relations officielles entre les administrations des postes de Russie et de Suisse.2 La première nous redoit, pour le service des mandats aux internés russes, une somme de 2,5 millions de francs, que nous n’avons pas encore pu recouvrer. Malgré l’absence de relations officielles, il arrive journellement à Bâle des sacs de lettres de Russie. Mais nous ne pouvons faire parvenir de lettres en Russie que par l’intermédiaire des postes allemandes. Quelques Etats ont repris les relations postales directes avec la Russie; nous avons aussi entrepris des démarches dans ce sens, mais sans succès jusqu’à présent. Si la question est posée aux Chambres, l’orateur se déclarera en principe favorable à la reprise des relations postales, sous toutes réserves utiles.

M. le Conseiller fédéralHâberlin approuve le point de vue de M. Haab quant aux relations postales. Pour le surplus, il constate qu’il n’est pas question de nouer avec le gouvernement des Soviets des relations amicales telles qu’elles ont cours entre Etats civilisés. D’autre part, avons-nous intérêt à rétablir des relations commerciales impliquant la reconnaissance politique du régime des Soviets? L’or russe, dont on a tant parlé, pourrait bien être épuisé. L’orateur ne s’oppose pas à ce que la question de la reprise des relations commerciales soit examinée, mais il convient d’être prudent et de se tenir sur le terrain des faits.

M. le Conseiller fédéral Musy donne des renseignements sur les envois d’or russe, qui ont été faits en quantités assez considérables surtout depuis la seconde année de la révolution. Ils arrivent par Stockholm, sous forme de barres, d’or laminé et aussi monnayé. Leur valeur s’est élevée jusqu’à 10 millions de francs par mois, en janvier et février de cette année; dès lors les quantités ont baissé. Les destinataires en Suisse sont principalement le Bankverein suisse, l’usine de dégrossissage de Genève et la banque Perret & Cie à La Chaux-de-Fonds. Tout cet or est réexpédié à l’étranger, notamment à Londres, Paris et New York.

Répondant aux observations de M. Motta, M. le président Schulthess déclare qu’il ne prendra pas l’initiative de la reprise des relations avec la Russie sans l’autorisation expresse du Conseil fédéral. Il se réserve de faire, le moment venu, des propositions à ce sujet.

Il n’est pas pris de décision quant à présent.

1
E 1005 2/1.
2
Cf. n‘" 44, 131.