Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.15. Italie
II.15.1. Questions de poltique générale et intérieure
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 61
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#897* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 395 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 21 (1921–1921) |
dodis.ch/44703
La dissolution de la Chambre et la campagne électorale qui a déjà commencé appellent l’attention tout particulièrement sur le phénomène du «fascismo».
Le mot vient de «fascio», faisceau ou ligue. A la fin de la guerre, il se constitua partout des ligues d’anciens combattants dans le but de maintenir une solidarité entre eux et de défendre leurs intérêts communs. Ces ligues prirent très vite un caractère politique, à la suite de la violente campagne antimilitariste déchaînée dans le pays par les socialistes et des attaques fréquentes contre les officiers et autres militaires. Il arrivait, par exemple, surtout dans de petites communes, que les municipalités socialistes refusassent d’honorer par un monument la mémoire des soldats morts à la guerre. Des militaires décorés ou promus sous-officiers pendant la campagne étaient invectivés ou désignés par les socialistes à une sorte de mépris public. Ces faits devaient produire une réaction qui fut d’abord très lente à se manifester. On peut dire que pendant plus d’une année les éléments anti-militaristes ont dominé dans toutes les manifestations publiques. D’autre part, le Gouvernement n’a cessé de céder devant les partis d’extrême gauche. Les cheminots se posaient en maîtres du pays, se livrant non seulement à de perpétuelles grèves, mais se refusant en maintes occasions à transporter des militaires.
C’est ainsi qu’on en était arrivé l’été dernier à un état de choses voisin de la révolution. Les syndicats ouvriers enhardis par la faiblesse de l’Autorité occupaient les fabriques et paralysaient peu à peu le mouvement des ports et tout le trafic du pays. De son côté le parti catholique, considéré au début comme l’adversaire déclaré du socialisme, se laissait entraîner par des éléments démagogiques, surtout dans les campagnes, encourageait la rébellion des cultivateurs et répandait dans les masses l’esprit révolutionnaire.
Ces faits devaient contribuer à donner aux «fasci» une force chaque jour plus grande. Tous les éléments nationalistes, surtout ceux qui en Italie avaient souffert de la faiblesse du Gouvernement et des excès des partis révolutionnaires, se groupaient peu à peu autour des «fasci». Ceux-ci commencèrent à réagir contre les socialistes en se servant de leurs procédés et en opposant la violence à la violence. Partout éclataient des bagarres dégénérant très souvent en combats sanglants. Les «fasci» ont pour eux la jeunesse plus instruite et qui dans les rencontres se montre plus disciplinée et plus courageuse. On vit les «fasci» organiser de véritables expéditions en camions automobiles dans les communes où s’étaient produits des excès socialistes. Ils incendièrent toute une série de Chambres de travail, attaquèrent les cortèges socialistes, malmenèrent les députés de l’extrême gauche qui se virent obligés d’invoquer la protection de la gendarmerie, ce qui mit tout le Royaume en gaîté. Les «fasci» se montrent bien organisés, reçoivent de l’argent des industriels et l’on a vu des syndicats ouvriers passer avec armes et bagages dans le camp des «fascisti». En particulier dans les campagnes, beaucoup de paysans, obéissant à l’instinct de propriété qui est extrêmement fort en Italie, comme en France, exaspérés par les actes de vandalisme des ouvriers agricoles lesquels, excités par les meneurs socialistes, détruisaient récoltes et bétail, ont adhéré en maints endroits aux «fasci» qui autrefois n’avaient d’action que dans les villes.
Les «Fasci» sont une puissance avec laquelle l’Etat lui-même doit compter. Un industriel suisse, en Lombardie, dont la fabrique est occupée arbitrairement par les ouvriers depuis plusieurs mois, et qui ne peut même pas disposer de ses machines, de son cheval et de sa voiture, ne recevant aucun secours de l’Autorité de police, a fait savoir à notre Consul à Milan qu’il lui suffirait de faire appel aux «fascisti» pour être rétabli dans ses droits de propriété. Je ne sais pas s’il a mis sa menace à exécution, mais je sais que beaucoup de propriétaires et d’industriels ont recouru aux «fascisti» avec plein succès.
Jusqu’ici les classes bourgeoises en Italie se montraient singulièrement passives devant le danger révolutionnaire. Le «fascismo» marque un réveil significatif et fort intéressant. Il jouera certainement un grand rôle dans la prochaine campagne électorale sans parvenir cependant à former un grand parti politique, car il manque d’un programme positif et il comprend des éléments appartenant à tous les partis, à l’exception des socialistes. Le jour où il voudrait faire appel au suffrage populaire, il ne manquerait pas de se disloquer.
Mais il peut servir la cause d’un certain nombre de personnages combattifs et ambitieux comme D’Annunzio. Celui-ci, à vrai dire, n’a pas encore posé sa candidature et s’est tenu à l’écart des dernières luttes. Mais il vient d’avoir une longue conférence avec Mussolini, le directeur du «Popolo d’Italia» de Milan, organe des «fascisti» milanais. Ce fait mérite notre attention particulière: nous n’avons pas en Italie de pire ennemi que ce Mussolini2 dont le journal n’a cessé de publier depuis quelques années des articles injurieux contre la Suisse. Si donc le «fascismo» est un fait réconfortant au point de vue de l’ordre et de la lutte contre le bolchevisme, nous ne devons pas oublier qu’il tend à grouper les éléments nationalistes, irrédentistes, impérialistes, redoutables au point de vue de nos bonnes relations avec le Royaume.
(A ce propos, il convient de noter avec satisfaction les termes par lesquels le Ministère s’adresse au Roi au début du rapport qui précède le décret de dissolution de la Chambre: «Pour la première fois depuis la chute de l’Empire romain et et après des siècles de luttes, de douleurs et de sacrifices tels qu’aucun peuple n’en a supporté pour obtenir son indépendance, et en sortant victorieuse de la plus terrible guerre que rappelle l’histoire, l’Italie a réalisé maintenant son unité dans les limites qui lui furent assignées par la nature.»)
En résumé, la campagne électorale, si on la compare à celle de 1919, débute sous de meilleurs auspices au point de vue de l’esprit national et de l’ordre public. Le patriotisme des Italiens, et ce bon sens qui ne les abandonne pas, même dans les plus folles manifestations populaires, grâce auquel ils ne perdent jamais la notion des réalités pratiques, ont produit dans le Royaume une réaction contre le socialisme et contre toute tendance révolutionnaire. La partie sera très chaude. Elle peut réserver beaucoup de surprises, mais on peut prévoir dès maintenant une diminution sensible du groupe socialiste. Du reste, M. Giolitti, bien qu’il n’aime pas les «fascisti» et qu’il en soit détesté, saura profiter habilement de cette réaction de l’esprit public: il fut toujours un très grand maître en matière électorale.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Rome 21.↩
- 2
- Sur Mussolini, le Ministère public fédéral donnait dans une lettre à Motta (du 23 juin 1921 ) les renseignements suivants: Unter Bezugnahme auf die in der Schweiz. Presse besprochene AngelegenheitMussolinibeehren wir uns, Ihnen folgendes mitzuteilen:MussoliniBenito, Sohn des Alessandro & der Rosa Maltoni, geb. 29. Juli 1883 in Predappio (Forli- Italien), Elementarschullehrer und Handlanger, stand in Bern im Jahre 1903 wegen lebensgefährlicher Drohung in Untersuchung, die aber mangels genügenden Beweises ohne Entschädigung aufgehoben wurde. Er machte sich hier auch als sozial-revolutionärer Agitator bemerkbar und ist sodann am 27. Juni 1903 polizeilich aus dem Kanton Bern ausgeschafft worden. Im Frühling 1904 hielt er sich in Genf auf, trieb auch dort sozial-revolutionäre Propaganda und zeichnete sich durch besonders heftige Reden aus. Da er den Polizeibehörden von Genf einen gefälschten Pass vorgewiesen hatte, wurde Mussolini am 15. April 1904 aus dem Kanton Genf ausgewiesen und polizeilich an die italienische Grenze abgeschoben. Am 13. Sept. 1909 wurde er von den Polizeibehörden in Trient (Tirol), wo er als Redaktor eines Sozialrevolutionären Blattes tätig war, aus Österreich ausgewiesen. Im Jahre 1913 tauchte er wieder im Kanton Freiburg als Versammlungsredner auf. Seither ist er in der Schweiz nicht mehr bemerkt worden (E 2001 (B) 3/50).↩
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