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L’ancien Conseiller fédéral, G. Ador, au Président de la Confédération, G. Motta1

Mon cher Président,

Je vous confirme le télégramme que j’ai prié la Légation de vous envoyer.2

M. Bourgeois m’a paru tout à fait sincère quand il m’a assuré que jamais dans le Conseil de la S.d.N. on n’avait envisagé la possibilité d’une révision du Pacte et le transfert du siège à Bruxelles. Le Conseil, en tout cas, ne soulèvera pas la question à l’Assemblée générale de [novembre mais il n’est point impossible que quelqu’un la soulève. Il ne le croit pourtant pas.

Il m’a expliqué que tout avait été arrangé avant la session de Rome. Dès l’origine il avait été décidé que le Conseil se réunirait dans les pays dont font partie ses membres.

La Suisse ne s’étant pas définitivement prononcée avant le 16 mai, il ne pouvait être question de Genève et quand le résultat du vote a été connu à Rome, il était trop tard pour revenir sur les engagements pris envers Bruxelles. Telles sont, suivant M.B., les raisons qui ont fait choisir Bruxelles, mais il a ajouté que nous n’avions pas lieu de nous inquiéter – rien n’étant compromis ni préjugé concernant le siège, qui reste acquis à Genève.

Je ne lui ai pas caché l’effet déplorable que produirait en Suisse – après le 16 mai, une décision contraire – ni l’impression pénible que j’avais ressentie en apprenant les décisions de Rome.

J’aime à croire que M.B. a été sincère et que mes inquiétudes n’étaient pas fondées.

M. Monnet, le second de Sir Drummond, que j’ai également vu, m’a parlé dans le même sens, tout en estimant que le Secrétariat devait rester encore quelques mois à Londres. Suivant lui, ce sont surtout des considérations pratiques qui ont fait choisir Bruxelles pour l’assemblée. Meilleurs locaux, siège d’ambassades et de légations permettant aux délégués de communiquer avec leurs Gouvernements par télégrammes chiffrés, meilleure organisation d’un service de publicité, etc. J’ai réfuté tous ces arguments qui n’ont pas grande valeur.

Je pars demain pour Londres et verrai Balfour et Sir Eric Drummond.

Ici tout est désorganisé ensuite de l’accident du Président Deschanel.

M. Monnet prépare le travail de la Conférence financière. Je crains d’avoir accepté une tâche très lourde3 et de devoir passer plusieurs jours à Bruxelles avant la Conférence pour étudier tous les dossiers. Si la Conférence de Spa est maintenue au 21 juin, on ne prévoit pas que la Conférence puisse se réunir avant le 10 juillet.

Bien cordialement à vous

G. Ador.