dodis.ch/44420
Le Chargé d'Affaires de Suisse à Bruxelles,
F. Barbey, au Chef du Département de l’Economie publique,
E. Schulthess1
Bruxelles, 31 décembre 1919
Je vous confirme mon télégramme d’hier et vous envoie ci-inclus copie de la réponse de M. Jaspar.2 Toutes mes démarches auprès de lui et du Ministère des Affaires étrangères se sont heurtées à un non possumus absolu pour l’instant. «Vous voyez que nous n’avons pas même réussi à tenir nos engagements ces derniers mois», m’a dit M. Jaspar, «je ne veux rien vous promettre car je serais incapable de tenir ma promesse. La situation est de plus en plus grave, je suis assailli de réclamations de toutes les industries du pays et de l’administration des chemins de fer. Tant que l’Allemagne ne nous enverra pas une tonne de charbon, c’est une nécessité absolue de réserver pour le pays toutes nos ressources.»
M. Jaspar n’a pas ajouté, ce que j’ai appris d’autre part, que la situation économique avec la France était fort tendue. L’article ci-inclus vous l’expliquera en partie. Il y a tous les jours de longues conférences chez l’Ambassadeur de France. M. Loucheur est attendu incessamment et l’on me dit qu’il vient ici pour sauver sa situation fort compromise en France et qu’il lui faut à tout prix un succès, c’est-àdire du charbon belge. Par conséquent, nous n’avons rien de bon à attendre de sa venue. Il fera tout ce qu’il pourra pour obtenir de la Belgique que celle-ci lui réserve exclusivement son surplus de production. Je dois ajouter que nous avons partout ici d’excellents défenseurs, que nos intérêts seront très bien défendus et que l’on fera tout pour nous envoyer quelque chose, mais un engagement formel, avant que la situation se soit un peu éclaircie, il n’en est pas question.
Comme vous le verrez par la réponse de M. Jaspar, celui-ci, revenant sur ce qu’il m’avait dit il y a 8 jours, n’insiste plus pour le maintien d’un crédit, au cas où nous conclurions un nouvel accord.
Comme je vous l’ai télégraphié, j’espère vivement obtenir que les expéditions de charbon à prendre sur le contingent en retard de novembre et décembre pourront continuer à se faire ces prochaines semaines. J’avais pris la précaution de faire timbrer les licences en mettant comme date extrême le 26 février de sorte que nous sommes à peu près à couvert, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles.
Vous voudrez bien expliquer la situation à la Société Coopérative à laquelle je n’ai pas le temps d’écrire tellement je suis surmené et chargé de travail en cette fin d’année.