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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 200
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1522#1* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 1 | |
Dossier title | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1918–1920) | |
File reference archive | D.1 |
dodis.ch/44411
La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
Vous aurez eu connaissance par la presse de la lettre que M. Clemenceau a adressée à M. Renner pour lui faire part de la décision du Conseil Suprême au sujet du Vorarlberg. Les Puissances déclarent qu’elles s’opposeront à toute tentative directement ou indirectement de nature à porter atteinte à l’intégrité du territoire autrichien ou qui aurait pour effet de compromettre l’indépendance politique ou économique de l’Autriche.
Un journaliste suisse nous dit tenir de bonne source que cette décision indique seulement la volonté du Conseil Suprême de ne pas se déjuger et que la Ligue des Nations pourra toujours revenir sur la question. Il y aurait, d’après cette interprétation, plutôt une déclaration d’incompétence qu’une fin de non recevoir.
La décision du Conseil Suprême ne saurait surprendre personne, car M. Renner a été seul à être entendu. M. Ender n’a pas même demandé à l’accompagner à Paris et s’est borné à lui télégraphier pour lui rappeler qu’il avait été entendu entre eux que la question ne serait pas discutée à Paris avant que le Vorarlberg ait pu exposer son point de vue. Il semble qu’il y ait eu là une promesse formelle de la part de M. Renner, promesse qu’il aurait éludée en faisant prendre les devants par les Puissances alliées.
Le Conseil fédéral n’a fait, de son côté, aucune démarche quelconque auprès des Puissances pour faire reconnaître le droit de libre disposition du Vorarlberg. Il tenait absolument à éviter toute apparence d’un encouragement à la séparation du Vorarlberg d’avec l’Autriche. Le Conseil fédéral était d’ailleurs encouragé dans son attitude passive par le fait que le Vorarlberg ne lui avait pas encore demandé d’intervenir; celui-ci, en effet, désireux lui aussi de suivre à tout prix la filière légale, ne voulait pas agir directement tant qu’il y aurait quelque chance de voir M. Renner présenter lui-même la requête de M. Ender. L’art de M. Renner a consisté toujours à mettre la Suisse dans l’impossibilité morale de défendre le Vorarlberg: n’ayant ainsi à faire qu’à ce petit peuple, il lui était facile chaque fois d’en venir à bout.
Il est évident que les manifestations tyroliennes en faveur d’une réunion à l’Allemagne ont été combinées par M. Renner afin d’impressioner l’Entente et de lui faire croire qu’en touchant au Vorarlberg, on démolissait toute l’Autriche, et on la jetait dans les bras allemands. L’attitude des socialistes à Innsbruck prouve clairement qu’ils obéissent à un mot d’ordre du Chancelier. Tout cela était bien facile pour M. Renner et la Suisse assistait à tous ces bluffs sans pouvoir venir en aide aux Vorarlberg eois, car le Conseil fédéral, comme nous l’avons déjà dit, était absolument opposé à toute intervention qui pût paraître attenter à l’intégrité de l’Autriche. La presse suisse prend note avec une certaine aigreur de la mauvaise foi de M. Renner.
Nous continuons à ne nous immiscer d’aucune manière dans les rapports entre le Vorarlberg et l’Autriche.
En tout cas, le point de vue de la Suisse aura été nettement marqué. La Reichspost autrichienne le fait observer en constatant que la Suisse a obtenu ce qu’elle voulait avant tout: à savoir que le Vorarlberg n’allât pas à l’Allemagne. Ce résultat est en effet acquis pour le moment. Mais la volonté du Conseil Suprême n’est pas suffisante pour empêcher la question de rester ouverte, de sorte que la Suisse doit toujours compter avec la probabilité que le dilemme se pose: réunion du Vorarlberg avec la Grande Allemagne ou bien appui économique de la Suisse à un Vorarlberg autonome. Nous ne croyons pas que l’Autriche soit viable et il n’est pas possible de prévoir que la France la fasse vivre artificiellement pendant une période illimitée.
Le Conseil fédéral a décidé d’accorder au Vorarlberg le crédit de 500.000 Frs. qu’il demandait pour couvrir ses dettes à l’égard des moulins suisses.
Si l’Entente tient absolument à empêcher la réunion de Y Autricheà l’Allemagne, elle est bien obligée de maintenir en vie cette Puissance, ainsi que la Tchécoslovaquie. Pour arriver à ce résultat, il n’y a pas d’autre moyen que la Confédération Danubienne, si redoutée par l’Italie. Les Tchèques ont mis de l’eau dans leur vin et ont cessé de s’opposer absolument à un certain rapprochement économique et politique avec l’Autriche. C’est la peur de la réaction monarchique en Hongrie qui les pousse à cet accommodement. Les socialistes tchèques, qui gouvernent à Prag ue, n’objecteraient pas, croit-on, à former un bloc anti-monarchique avec le Gouvernement socialiste de Vienne. C’est sur cette entente socialiste que les Gouvernements alliés voudraient baser une fédération, qui serait beaucoup plus difficile à édifier si d’autres partis étaient au pouvoir. Cela explique l’appui donné par l’Entente au régime bolchevisant de MM. Renner et consorts. La combinaison imaginée repose uniquement sur la premisse socialiste: seuls les socialistes tchèques (à l’exclusion absolue des nationalistes) consentiraient à un accord avec Vienne, et cela seulement avec une Vienne socialiste.
La réponse de Y Allemagne à la note de l’Entente représente, à ce qu’on nous dit, la limite extrême des concessions possibles. Si elle n’était pas considérée comme suffisante, une rupture serait inévitable. On croit en Allemagne que la ratification pourra avoir lieu avant la fin de l’année.
La déclaration du Prince Rupprecht qu’il est prêt à se livrer volontairement à l’Entente, a été assez mal reçue en Allemagne: les journaux de droite y voient un précédent regrettable et ceux de gauche une manœuvre de préparation à une candidature à la présidence. La question des extraditions à la Belgique paraît se trouver singulièrement facilitée en ce sens que la Belgique limiterait ses prétentions à la livraison des personnes dont la culpabilité est constatée aussi par des actes allemands indiquant des délits de droit commun. La liste se trouverait ainsi très réduite et pourrait être acceptée. On espère en Allemagne arriver avec la France et l’Angleterre à un accord analogue. C’est peut-être à la suite de ces conversations avec la Belgique qu’un projet de loi a été présenté en toute hâte sur la poursuite des délits de guerre commis en Allemagne et à l’étranger, projet dont l’acceptation est certaine.
Dans les milieux modérés et objectifs allemands, on a l’impression que la France sait parfaitement bien que les conditions imposées par le Traité de Paix ne peuvent pas être remplies par l’Allemagne. La non exécution de ces engagements impossibles à tenir devrait servir à justifier des dédommagements et la France obtiendrait un jour par là, morceau par morceau, à titre de compensation, la réalisation des buts de guerre (comme l’annexion de la rive gauche du Rhin) que l’opposition américaine avait contrecarrés. L’attitude de l’Amérique et son désintéressement permettraient toutefois davantage de faire du Traité de Paix l’instrument des visées les plus hardies des Français et des Anglais, et cela non pas par suite d’une germanophilie américaine qui n’existe pas, mais parce que le programme de paix des Américains ne pouvait pas avec leur concours être violé d’une manière trop crue.
Les attaques contre M. Erzberger n’ont pas ébranlé sa position au sein de l’Assemblée Nationale: mais ni Erzberger ni l’Assemblée ne représentent l’opinion publique; ils ont toutefois le pouvoir en mains.
Nos derniers renseignements sur la politique intérieure allemande sont favorables. Tant qu’il sera possible d’écarter la menace orientale du bolchevisme, il n’y aura pas de danger; mais il serait impossible de résister par la force à des hordes rouges qui pénétreraient en Prusse orientale, maintenant qu’il n’y a plus de troupes allemandes dans les provinces baltiques. Les renseignements qui arrivent à Berlin de l’Ukraine et de la Pologne indiquent un réel péril bolchevique dans ces pays.
- 1
- Rapport politique: E 2001 (D) c 1/1910-1919.↩
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German Realm (General) Paris Peace Conference (1919) The Vorarlberg question (1919)