Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.8 HONGRIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 48
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#895* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 395 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 19 (1919–1919) |
dodis.ch/44259
Le Chargé d’Affair es de Suisse à Rom e, Th. von Sonnenberg, au Chef du Département politique, F. Calonder1
Le Comte Sforza, sous-Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, entré en fonction au moment de mon départ pour la Suisse, n’a pu me recevoir que hier matin. Je l’avais connu à Vienne, et il m’a réservé un fort aimable accueil. Après lui avoir parlé de quelques affaires, auxquelles je tenais à l’intéresser spécialement, la conversation a porté sur les événements de Hongrie.
Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le télégraphier hier sous le No. Il2, il envisage le retour (presque certain) du Habsbourg sur le trône de Saint Etienne avec calme. Connaissant le tempérament passionné des Magyars, mon interlocuteur est aussi peu étonné que moi du revirement brusque qui a permis le coup d’Etat du prince royal Joseph. Sous l’ancien régime celui-ci résidait comme représentant du Roi à Budapest; il était toujours très populaire chez les Magyars. Prince de belle prestance, il a acquis auprès de ce peuple batailleur le renom d’un général, sinon toujours heureux, mais très brave et d’un grand entraîneur d’hommes.
Les horreurs et le travail de destruction de Bela Kun et de ses acolytes appelaient une réaction violente et un changement radical de régime. Rien d’étonnant, si les Hongrois passent de la folie criminelle du bolchevisme à la reconstitution de la Monarchie. Le Comte Sforza ne s’inquiète nullement de cet événement; il semble même lui apporter de la sympathie. Cette attitude fait contraste avec la presse italienne qui s’affola à la pensée d’une restauration des Habsbourg, car le peuple a encore aussi peur de la dynastie détrônée que les Français de l’Allemagne vaincue.
La situation toute spéciale de la Hongrie n’a évidemment pas été comprise en France, car j’ai appris à Berne par M. Clinchant que son Gouvernement s’était empressé, dès l’avènement du Prince Joseph, de dépêcher de Suisse à Budapest un important meneur socialiste hongrois pour mettre des bâtons dans les roues du nouveau Cabinet! J’ai aussi ouï-dire ici que le Quai d’Orsay tient des agents du même genre en réserve pour le cas où le bolchevisme russe serait renversé par un régime réactionnaire.
Mon interlocuteur connaissant le traditionnalisme magyar, qui croit sincèrement à une «mission de la Hongrie» d’être aujourd’hui (comme jadis contre la poussée musulmane) le boulevard de l’Europe contre l’Orient et le Balkan turbulents, ne s’étonnerait nullement de voir les Magyars tendre la main aux Croates et Slovènes qui, comme on le sait, ne font pas bon ménage avec les Serbes. Le Comte Sforza m’a déclaré estimer qu’il faut enfin laisser aux peuples leur autodécision, quant à leur organisation intérieure, vu que c’est le seul moyen de les laisser reprendre l’équilibre et de ramener le calme en Europe.
Le régime constitutionnel que se donnera la Hongrie et la personne du Souverain qu’elle choisira paraissent peu importer à la Consulta. Personnellement je doute un peu qu’on ne rende la couronne de St-Etienne à Charles, le malheureux jeune Monarque étant aussi peu populaire en Hongrie qu’à Vienne. Le Prince-royal Joseph lui-même ou un fils de l’ancien Roi sous la régence du premier, semble donc avoir plus de chance d’être choisi comme souverain.
Pour le moment le grand fait acquis est l’écroulement du bolchevisme hongrois, qui aura certainement sa répercussion en Ukraine et en Russie. Les milieux diplomatiques polonais et russes que j’ai eu l’occasion de voir, sont très optimistes à ce sujet. Les derniers importants succès de l’armée anti-bolcheviste russe sont peut-être déjà un effet de la démoralisation causée dans l’armée rouge par les nouvelles de Budapest.
Il faut espérer que ces événements calmeront aussi les éléments subversifs en Suisse. J’ai d’ailleurs profité de ma visite pour parler au sous-secrétaire d’Etat dans le sens de votre télégramme du 12 août No.63 3, en y ajoutant les constatations rassurantes que j’avais faites moi-même en Suisse à ce sujet. J’ai été heureux de constater qu’il a entière confiance dans la fermeté du Gouvernement fédéral et dans le grand bon sens de notre population. Il est évidemment moins enclin que son prédécesseur à croire tout ce que certain rapporteur malveillant, résidant à Berne, peut écrire de défavorable sur la situation intérieure de la Suisse.
J’ajoute pour terminer que le Comte Sforza estime que quand la Yougoslavieaura passé «ses maladies d’enfant» et renoncé à une bonne portion de l’impérialisme, qui hante d’ailleurs aussi les autres peuples issus de la guerre, comme les Tchécoslovaques, les Polonais et les Roumains, elle s’entendra très bien avec l’Italie. On peut se demander si cet optimisme est sincère, car la constitution d’une Confédération danubienne entre les pays issus de l’ancienne Monarchie des Habsbourg ne paraît pas être une chose impossible et changerait sensiblement l’équilibre chancelant qu’on essaye d’établir à Paris.
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