Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 393
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1522#1* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 1 | |
Dossier title | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1918–1920) | |
File reference archive | D.1 |
dodis.ch/44138
La Division des A ffaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
Au moment où les listes noires sont supprimées, nous apprenons que les Consulats de France en Suisse ont adressé à nos négociants et industriels une circulaire, en leur faisant signer l’engagement d’autoriser pendant un certain nombre d’années les Consuls français à examiner en tout temps leurs livres d’affaires, afin que ceux-ci puissent s’assurer que les négociants et industriels suisses n’emploient pas de capitaux allemands, qu’ils ne tolèrent aucun Allemand comme employé supérieur ou inférieur et qu’ils ne favorisent en aucune manière, par des commandes, des maisons allemandes. Le Département de l’Economie Publique s’occupera de cette prétention des Consuls français, qui paraît émaner du bureau commercial de l’Ambassade et qui représente, au moment où la paix se signe, une atteinte incompréhensible à la liberté de notre commerce.
A teneur de renseignements de source anglaise, M. Platten aurait été chargé de diriger la propagande bolchevik en Suisse, en France et en Italie. Il emporterait avec lui des sommes d’argent «énormes». La situation financière des Bolcheviks serait favorable, car ils auraient reçu d’Allemagne des machines à imprimer des billets de banque, ce qui leur a permis de mettre en circulation de nouveaux billets de 500 roubles, comme aussi des billets français de mille francs et des bank notes anglais. [...]2
De Riga, il nous vient par Berlin des appels désespérés de notre Colonie, qui voudrait se voir protégée par la flotte de l’Entente.
La situation de notre Colonie à Pétrograde est relativement satisfaisante. Elle n'a pas à se plaindre des autorités russes qui font preuve d’une certaine bienveillance à son égard. Il y a également une tendance marquée à respecter la propriété des Suisses. On sent chez les Soviets le désir de ménager les étrangers, vu l’intention manifeste de Moscou d’arriver à un arrangement avec l’Entente.
Le chancelier suisse resté à Pétrograde dit que les relations avec les Bolcheviks sont à peu près les mêmes que du temps où nous possédions une Légation en Russie.
La situation alimentaire, par contre, est tout à fait mauvaise. Les produits, de plus en plus rares, atteignent des prix fantastiques. Le pain 75 roubles le kilo, le beurre 375, et le reste à l’avenant.
Situation intérieure en Russie. Les chefs du parti communiste ont évidemment fini par comprendre que leur système fait faillite et qu’une modification de leur politique s’impose pour remédier à l’état épouvantable où ils ont mis la Russie. Ils font des avances à l’intelligence et aux «spécialistes» (ingénieurs, administrateurs, etc.) pour s’assurer leur collaboration richement payée. Le nivellement des salaires et appointements, si longtemps à l’ordre du jour, a été mis de côté. On parle d’appointements de 75.000 et 100.000 roubles. Dans les mines, on prend des mesures draconiennes pour obliger les ouvriers au travail. Le droit à la grève a été supprimé. Les moindres manquements sont sévèrement punis. Douze des meneurs de la dernière grève à Poutiloff ont été fusillés séance tenante sous les yeux de leurs camarades.
Mais il ne faut pas oublier que les fonctionnaires chargés d’appliquer la terreur rouge ne demandent qu’à être corrompus.
Vis-à-vis des classes rurales, la politique des Soviets a également été modifiée: on n’a plus le droit de toucher aux biens des paysans. La nouvelle classe possédante qui s’est formée sur les débris de l’ancienne commence à faire respecter ses droits.
Les Soviets ont compris autre chose: c’est que sans le secours de l’Europe la Russie ne peut pas se relever. Ils font leur possible pour aboutir à un compromis avec le capital étranger pour l’exploitation des richesses naturelles du pays. Pour s’assurer cette collaboration, ils semblent prêts à de grandes concessions politiques.
L’évolution des esprits à Moscou en faveur de la reconnaissance de la propriété individuelle et de l’initiative privée est incontestable. Les anciens «bourgeois» entrés au service des Soviets n’y sont certainement pas étrangers.
Nos renseignements sur l’armée rouge sont aussi contradictoires que possible. Alors que d’Odessa on nous vante sa discipline et sa bonne organisation, de Finlande, on nous déclare que cette armée ne vaut pas grand’chose et que les soldats sont traités en bêtes de somme. On les frappe à la figure, ce qu’on n’aurait jamais osé faire sous l’ancien régime. Les Rouges ne tiennent pas dès qu’ils ont à faire à une force organisée réfractaire à leur propagande. On nous assure que ce n’est pas l’armée rouge, mais uniquement la propagande qui a conquis l’Ukraine.
Dès le 15 avril, on nous écrivait que l’occupation de Pétrograde serait une bagatelle du point de vue militaire. Les 80% de l’armée rouge sont décidés à jeter les armes ou à marcher contre les Soviets en cas d’une offensive blanche. Mais pour tenir la capitale, il faudrait non seulement des vivres en abondance, mais aussi une armée bien organisée, quoiqu’il soit fort possible que, Pétrograde occupé, Moscou fasse une révolution. On ajoutait que des instructeurs français étaient déjà arrivés en Finlande, ainsi que des aviateurs avec leurs machines, des tanks américains, et d’énormes quantités de vivres. Les socialistes finlandais s’opposent à une action militaire que préconisent les nationalistes du pays, désireux de s’agrandir en Karélie et en Mourmanie.
Il est intéressant de noter qu’au Brésil, où avant la guerre une mission militaire allemande avait été envisagée, puis abandonnée en présence de l’opposition française, on vient d’autoriser l’envoi d’une mission militaire française sous la direction du général Gamelin.
- 1
- Rapport politique (Copie): E 2001 (D) c 1/1919.↩
- 2
- Suit un passage sur l’Italie tiré du rapport politique no 14 de G. Wagnière; cf. no 373.↩