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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 7-I, doc. 123
volume linkBern 1979
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
Segnatura | CH-BAR#E2001B#1000/1501#3083* | |
Titolo dossier | Friedenskonferenz, Rapports de Mr. Rappard (1919–1919) | |
Riferimento archivio | B.56.221.05 |
dodis.ch/43868
Après cinq jours de séjour ici, je me permets de vous rendre compte des principales informations que j’ai pu recueillir. Sauf la maladie du Colonel House, qui m’a privé de l’avantage de voir jusqu’ici ce fidèle et très influent ami de notre pays, les circonstances m’ont aidé dans mes démarches. J’ai retrouvé, auprès de tous les Américains rencontrés, la même sympathie pour la Suisse et le même confiant accueil auxquels mes précédents séjours parmi eux m’avaient habitué. A défaut de M. House, j’ai à plusieurs reprises vu son gendre et secrétaire confidentiel M. G. Auchincloss qui, étant en contact permanent avec lui, a servi d’intermédiaire entre nous. Il espère que, vers la fin de la semaine, son beau-père sera assez bien pour recevoir quelques visites.
I. Participation des neutres à la conférence
où doit se constituer la Société des Nations.
Cette participation, telle que la conçoivent les Alliés, est prévue au dernier alinéa de l’art. I du Règlement de la Conférence. La conception de M. Wilson, telle que j’ai pu vous la faire connaître de Washington il y a deux mois, se réalise donc. Bien que M. Auchincloss et M. Dutasta m’aient affirmé que, dans l’esprit des Alliés, les neutres devaient être admis aux séances spécialement consacrées à la Société des Nations sur un pied de parfaite égalité avec eux, je doute que les neutres soient satisfaits de se voir ainsi convoqués et congédiés au gré des Grands Alliés et à comparaître devant une conférence qui leur serait par ailleurs étrangère. Sur cette question de forme, une démarche collective des neutres me paraîtrait heureuse et nécessaire pour sauvegarder leur dignité. M. Dunant m’informe qu’il vient de recevoir une visite de diplomates argentins à ce sujet. Mais le temps presse. Dans mes conversations individuelles, j’ai naturellement protesté contre la méthode de travail proposée et dans les milieux américains ces protestations ont trouvé un écho sympathique. Il conviendrait, me semble-t-il, d’obtenir pour les neutres une représentation régulière, égale au moins à celle des belligérents dits «à intérêts particuliers». M. André Weiss, membre de la Commission Bourgeois, m’a déclaré que dans son esprit et dans celui de beaucoup de ses collègues français la conférence actuelle ne pourrait que poser que quelques grands principes en matière de Société des Nations et qu’elle devait être suivie d’une conférence générale, où les neutres et peut-être même les anciens ennemis, seraient admis à siéger. Je n’ai pas rencontré cette idée chez les Américains.
II. Société des Nations.
Il se confirme de toutes parts que les idées du Président Wilson en cette matière sont extrêmement vagues. Par contre, les Français et les Anglais ont des projets bien étudiés.
M. Weiss m’a exposé l’économie générale du projet de la Commission Bourgeois. La voici:
1. Extension: Alliés, neutres et bientôt, si possible, anciens ennemis.
2. Pouvoirs: a. Conseil des Nations à la fois organe exécutif, cour des conflits et autorité suprême en matière de différends politiques. Représentation inégale des Etats selon leur importance.
b. Cour permanente d’arbitrage pour tous les autres conflits.
3. Sanctions complètes: politiques, économiques et militaires, avec désarmement important. La guerre ne sera en aucun cas considérée comme légitime, tous les différends devant être tranchés par des voies pacifiques... Le projet anglais serait à la fois très libéral d’inspiration et très radical dans sa portée. J’espère voir après-demain Lord Robert Cecil, ce qui me permettra de vous en dire bientôt davantage. Les travaux de rédaction du projet américain ont été confiés à MM. James Brown Scott et Miller. Ces messieurs ont manifesté le très vif désir de connaître le projet de notre Commission. Je crois qu’il y aurait avantage sans inconvénient grave à le lui faire tenir sous forme de projet, avant qu’il ait été examiné par le Conseil Fédéral. Il me paraîtrait également recommandable de leur faire tenir, à eux et peut-être à tous les Alliés, un mémoire sur la Société des Nations et la neutralité permanente de la Suisse. Tous ceux à qui j’ai exposé nos idées à ce sujet ont commencé par les écarter, puis, après un quart d’heure de conversation, à les trouver raisonnables. Les points sur lesquels il conviendrait d’insister sont ceux que M. Huber a énumérés à Territet. La meilleure introduction, à mon sens, serait fournie par le fait que la neutralité a eu pour la Suisse dans le passé le but même qu’on se propose d’atteindre par la Société des Nations dans l’avenir, soit d’assurer la paix. D’où une première circonstance particulière à la Suisse. De plus, raisons géographiques, stratégiques, ethnographiques. Et enfin, comme conclusion, rôle international, en insistant sur l’idée du microcosme développée par M. Huber. Ces arguments ont tous porté ici. La rédaction de ce court mémoire me paraît opportune, voire même urgente. Par contre, l’idée de provoquer une nouvelle garantie de notre neutralité à Paris - idée attribuée à M. Ador dans son discours à Genève et qu’il aurait exposée aussi à M. Dutasta le 1er janvier de cette année - me paraîtrait très fâcheuse. M. Auchincloss, au nom de M. House, s’est exprimé très catégoriquement à ce sujet.
III. Politique économique:
En cette matière comme en beaucoup d’autres, les idées méfiantes et vindicatives des Français s’opposent au large libéralisme anglo-saxon. Mon collègue M. A. Young est spécialement chargé d’élaborer pour la Commission américaine l’idée wilsonienne de «l’égalité des échanges». Il se résigne à laisser subsister, à «légaliser», comme il dit, les tarifs préférentiels existants. Mais il propose que la Société des Nations, par l’organe d’une commission spéciale, interdise à l’avenir toute mesure d’ordre politique destinée à créer une inégalité économique dans les échanges internationaux (privilèges coloniaux, primes d’exportation, draw/back, dumping etc.). M. Clémentel aurait tout récemment proposé aux délégations américaine et anglaise de prévoir le maintien du rationnement international en matières premières après la guerre, mais se serait heurté, de leur part, à un refus absolu.
IV. Le projet de renouvellement de la Croix-Rouge Internationale,lancé par M. Davison, président de la C.R. Américaine, est très soutenu par le Président Wilson et surtout par M. House. M. Davison se propose de conférer d’abord avec les chefs des C.R. des grands alliés. Puis, au cours du mois de février, de venir avec eux à Berne et à Genève pour prendre contact avec le Gouvernement Suisse et le Comité International. Puis, de convoquer les autres C.R. alliées et les C.R. neutres pour élaborer le projet qui serait, quatre semaines après la signature de la paix, soumis à une conférence internationale de la C.R. convoquée à Genève par les soins du Comité International. M. Davison a beaucoup d’imagination. Mais, comme il a aussi une volonté de fer, l’appui de son gouvernement et des ressources matérielles inépuisables, il est probable que nous entendrons encore beaucoup parler de son généreux projet, qui fait à Genève et à la Suisse une place d’honneur.
L’idée de faire poser par le Président Wilson la pierre angulaire de quelque monument C.R. à Genève a été saisie avec un véritable empressement par l’Amiral Grayson, médecin personnel du Président, et par M. Auchincloss. Tous deux ont tenu à la soumettre à Wilson et croient à sa réalisation possible. Wilson devra quitter l’Europe vers le 20 février, mais on pense très généralement dans les milieux américains qu’il reviendra en Europe au printemps. Il sera remplacé pendant son absence à la conférence par M. Baker, Ministre de la Guerre.
V. Vu l’heure avancée, je me permets de renvoyer au prochain courrier les quelques informations de politique générale que je m’étais proposé de vous soumettre.
Monsieur le Ministre Dunant, avec lequel j’ai l’honneur et le plaisir de collaborer en toute cordialité ici, vous a déjà répondu au sujet de la proposition qui me concerne. Pour ma part, M. le Conseiller Fédéral, tout en vous remerciant très vivement de la preuve de confiance que cela comporte, je ne crois pas du tout qu’il y ait lieu de me donner ici aucune qualité diplomatique. A ce sujet aussi je me permettrai de vous soumettre quelques réflexions par le prochain courrier.
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- Rapport (Copie): E 2001(B) 1/82.↩
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Conferenza di pace di Parigi (1919)