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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 192
volume linkBern 1981
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1501#3291* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1501 95 | |
Dossier title | Wirtschaftsabkommen mit der Entente und Deutschland in den Jahren 1916-1917, I (1915–1916) | |
File reference archive | C.21.51 |
dodis.ch/43467
Les Délégués pour l’affaire des compensations2 sont arrivés ce matin par Pontarlier et par Genève avec une heure de retard. Nous n’avons pu conférer que très peu de temps entre nous avant de nous rendre à la séance. J’ai communiqué à ces Messieurs le rapport3 que j’ai eu l’honneur de vous adresser hier soir pour les mettre au courant de ce que m’avait dit M. Gout. Nous avons examiné s’il convenait de parler nous-mêmes de la note allemande ou de laisser les Français en parler les premiers; finalement, nous avons eu l’impression qu’on ne pouvait pas faire l’autruche et en ignorer l’existence, mais que nous devions rester sur le terrain de la note suisse du 3 avril4 et de la réponse des Alliés du 19 juin5, en donnant à entendre que la note allemande était une «res inter alios acta» qu’il appartenait au Gouvernement fédéral de liquider avec l’Allemagne.
A la séance, j’ai donc rappelé en quelques mots nos demandes du 3 avril, regretté que la réponse des Alliés eût tant tardé et annoncé que nous étions prêts à fournir, dans la mesure du possible, les renseignements statistiques et autres désirés par la réponse des Alliés.
M. Gout a répondu que les Alliés n’avaient jamais reconnu le principe des compensations auxquelles ils avaient consenti, en fait, en septembre 1915. Les Alliés étaient très disposés à examiner la plupart des demandes suisses, mais il devait être entendu que jamais dans leurs pays parlementaires ils ne pourraient, sous forme d’autorisations d’exporter données à la Suisse, sacrifier leurs propres intérêts militaires en facilitant aux Allemands des opérations de guerre. La question n’est pas seulement suisse: dans l’intervalle, l’Allemagne est venue exiger de la Suisse des compensations, ce qui modifie la situation du 3 avril; cela rend les pourparlers très difficiles, car il est probable que l’Allemagne essayera ses opérations de chantage, non seulement sur la Suisse, mais sur d’autres Etats neutres, Pays-Bas, Danemark, etc. On risque donc de créer un précédent dangereux.
M. Ador, puis moi, avons fait observer que l’incident germano-suisse nous était fort désagréable et que nous comprenions bien qu’il ne facilitait pas les pourparlers; mais cet incident a donné lieu à une réponse du Gouvernement suisse à l’Allemagne et les pourparlers sont engagés très fermement, de notre part, vis-àvis de l’Allemagne. Nous ne songeons pas à nous faire les interprètes d’une pression allemande, nous sommes Suisses et demandons à vivre; les Alliés nous ont aidés à vivre et nous avons aussi besoin des adversaires des Alliés pour vivre. La Suisse a souffert de la guerre dans une proportion énorme par les frais de mobilisation, par la diminution de ses recettes de chemins de fer et des douanes, par la paralysie totale de son importante industrie hôtelière, par le renchérissement formidable de la vie. En temps de paix, nos industries fournissent un milliard pour payer le milliard de notre alimentation. Les frais d’alimentation ont doublé ou triplé alors que nos industries, en partie industries de luxe (horlogerie, soieries, broderies), souffrent considérablement. C’est donc exclusivement dans l’intérêt de la vie du peuple suisse que nous demandons aux Alliés, en présence du fait que des compensations sont réclamées de nous par l’autre groupe belligérant, les moyens pour la Suisse de vivre. Nous croyons que ces compensations sont très peu de chose pour l’alimentation industrielle ou autre des Puissances centrales, tandis que leurs envois à la Suisse ont pour nous une importance vitale. C’est de cet intérêt suisse que nous demandons aux Alliés de s’inspirer et pas d’autre chose.
M. Gout a répliqué en demandant d’être tenu au courant des pourparlers de la Suisse avec l’Allemagne et j’ai répondu que j’avais à peine eu le temps de parcourir une partie de la réponse suisse, très ferme, envoyée à Berlin et que j’examinerais, après l’avoir lue plus complément, si je pouvais en communiquer le texte ou le sens. Veuillez me télégraphier si je puis communiquer votre réponse au Gouvernement allemand, réponse que je n’ai pas sous les yeux en ce moment et dont, je le répète, je n’ai pris connaissance que d’une façon très superficielle. Il suffira de me télégraphier «oui» ou «non» ou «attendez lettre» et je saurai ce que cela signifie.
M. Gout a ajouté qu’il était très désirable de s’expliquer en détail sur les opérations de compensations et sur les exportations suisses.
M. Chuard a fait observer que l’attitude de l’Allemagne avait été motivée par le fait que le Conseil fédéral avait mis fin aux opérations de racolage de marchandises pour compte des Gouvernements austro-allemands et rendu plus difficiles les infiltrations de Suisse en Allemagne en organisant un contrôle plus serré et un contact plus intime avec la S.S.S. Les Alliés ne peuvent donc adresser de reproches à la Suisse, puisque c’est elle qui, par mesure autonome, a rendu plus efficace le contrôle. Quant aux statistiques, il a annoncé la remise de nos tabelles des Douanes pour 1915 et le premier trimestre 1916, en offrant de discuter en détail chacun des points sur les questions qui nous seraient posées; il a fait observer qu’il n’avait pas apporté de mémoire répondant en bloc aux questions posées par les Alliés dans la note du 19 juin et qu’il se réservait de répondre verbalement aux demandes d’explications qui seraient formulées.
M. Gout a alors proposé d’ajourner la Commission à jeudi prochain dans l’après-midi. D’ici là, des réunions intimes auraient lieu entre les statisticiens respectifs, au cours desquelles des explications de détail seraient demandées et fournies. Il a été convenu que du côté des Alliés l’Amiral Amey (France), M. Craigie (Angleterre) et un douanier italien prendraient part aux travaux. Nous désignerons cet après-midi les membres de la Délégation suisse qui se rendront à la Sous-commission.
Le Directeur général des Gabelles d’Italie, M. Luciolli, partira ce soir pour Rome et a déclaré qu’il se ferait remplacer par son Directeur adjoint, avec lequel il conférera en lui rendant compte de la séance d’aujourd’hui, de façon à ce que celui-ci ait besoin, le moins possible, d’instructions. C’est pour lui permettre d’avoir cet entretien et d’arriver à Paris pour jeudi matin qu’il a demandé la fixation de la Conférence plénière à jeudi après-midi 29 juin; il a donné l’assurance qu’en ce qui concernait l’Italie il ferait tout son possible pour faciliter la tâche de la Suisse.
Nous nous réunissons entre Suisses à 3 heures Vi pour travailler en commun.
En résumé, il me semble qu’on cherchera à nous accorder en détail ce qu’on pourra, mais il est désirable, à mon avis, que vous vous montriez ferme vis-à-vis de l’Allemagne, notamment sur la question du charbon; cela facilitera notre tâche ici et je crois que l’Allemagne aurait beaucoup à perdre, aussi bien dans notre opinion publique suisse, que par répercussion sur nos négociations ici, en persistant à considérer le charbon comme un article d’échange et de compensation. Je vous indique cela comme mon opinion personnelle, car je n’en ai pas conféré avec tous les membres de la Délégation; ils ont cependant tous été d’avis, ce matin, que nous devions nous tenir sur le terrain strictement suisse et répudier complètement vis-à-vis des Alliés l’apparence de céder à une pression allemande; je pense donc que les Délégués sont d’accord avec moi.
J’ai tenu à vous envoyer rapidement ces lignes pour vous tenir au courant de mes impressions personnelles. Je vais maintenant à la réunion des Délégués suisses.
Auriez-vous la bonté de m’envoyer d’urgence la copie d’une note verbale du 17 juillet 19156 qui vous a été adressée par les Gouvernements alliés et qui est visée dans la première phrase de votre note verbale aux Alliés du 22 septembre 19157
. Je ne crois pas avoir jamais reçu copie de cette note.
S’il y a eu d’autres notes échangées à cette époque, je serais heureux d’en recevoir aussi copie.
- 1
- Lettre: E 2001 (B) 1,95.↩
- 2
- Il s’agit de E. Chuard, A. Frey, E. Schmidheiny, I. Buser, G. Ador et E. Laur, dont l’envoi à Parisa été décidé par le Conseil fédéral à ses séances des 19 et 22 juin 1916: Cf. E 1004 1/262, no 1292 et 1321.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Cf. no 181.↩
- 5
- Cf. no 188.↩
- 6
- cf. no 153, note 1.↩
- 7
- Cf. no 153.↩
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Economic and financial negotiations with the Allies (World War I)