Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
I. INTERNATIONALE LAGE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 5, doc. 70
volume linkBern 1983
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#744* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 337 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 58 (1905–1905) |
dodis.ch/42925
Il m’a paru prématuré de Vous écrire relativement au voyage de l’Empereur d’Allemagne à Tanger tant que je n’avais pas des informations de première main. Il est incontestable que, dans le monde politique et dans le monde financier de Paris, ce voyage inquiète, et que beaucoup de gens se demandent si la France marche à un second Fachoda. Comme il n’y a pas le moindre doute que jamais la France ne fera la guerre à l’Allemagne pour des droits ou avantages futurs au Maroc, les ennemis de M. Delcassé se demandent déjà si, après une reculade que la France devrait faire, ils ne pourront pas enfin se débarrasser de lui; cela se sent dans certaines conversations et l’écho s’en retrouve dans le discours d’ailleurs fort remarquable prononcé Lundi à la Chambre des Députés par M. Ribot sur la séparation de l’Etat et des Eglises. En particulier le monde des financiers protestants ou autres, qui ont fait ici l’emprunt marocain de cinquante millions et qui comptent sur des concessions, se montre fort impressionné.
Je Vous ai écrit autrefois deux choses, l’une que l’Allemagne était libre vis-àvis de qui que ce fût au sujet du Maroc; l’autre était que si la France doit accaparer toutes les concessions de mines, ports, chemins de fer et fournitures, ce ne serait plus la porte ouverte et cela risquait de provoquer les réclamations des Allemands.
L’Ambassadeur d’Allemagne, prince Radolin, qui vient de passer une quinzaine de jours à la Riviera et qui est rentré ce matin, m’a dit aujourd’hui, en sortant de la réception de M. Delcassé, qu’il n’avait jamais reçu l’ordre de parler du Maroc au Ministre français des Affaires étrangères, à aucune époque. Il a, de son chef, entretenu M. Delcassé de la convention anglo-française en général ou de la convention hispano-française, à titre personnel, pour tâcher d’en savoir plus long que les journaux, mais sans rien obtenir de plus que le public. Le prince Radolin ne cache pas qu’il est fort ennuyé de tout le tapage fait autour de la visite de l’Empereur allemand à Tanger; cette fois encore l’Empereur paraît avoir subi l’influence de son entourage personnel de jeunes traîneurs de sabres, peut-être aussi l’influence de quelque Krupp ou autre industriel; Radolin déplore ces voyages personnels des têtes couronnées qui font de la politique internationale sans être accompagnées de conseillers accoutumés aux nuances des relations intergouvemementales. Il craint que cette tapageuse visite à Tanger ne fasse beaucoup de mal, ne recule le travail d’apaisement franco-allemand et ne fasse guère avancer les affaires commerciales et industrielles de l’Allemagne au Maroc, ce qui est d’ailleurs un tout petit côté, une manière tout à fait étroite d’envisager la situation franco-allemande. Il y a des chauvins dans les deux pays et le voyage à Tanger a été une manifestation chauvine qui ne vaut pas mieux du côté allemand que du côté français.
Pendant l’absence de Radolin, j’avais eu la visite du Chargé d’affaires M. de Flotow, qui n’avait pas l’air plus enthousiaste que son chef du voyage démonstratif à Tanger, mais qui regrettait que M. Delcassé n’eût pas parlé nettement il y a un an au prince Radolin, ou fait parler au Chancelier de Bulow par M. Bihourd; tout se serait arrangé sans bruit par l’assurance que la France ne prétendait pas au monopole des concessions commerciales et industrielles au Maroc et ne visait pas à faire du Maroc un pays de protectorat comme la Tunisie. Aujourd’hui on peut craindre que, les excitations des journaux anglais aidant, il n’en résulte un refroidissement entre Paris et Berlin qui n’est nullement désiré dans cette dernière ville.
L’Ambassadeur d’Allemagne regretterait vivement que ce voyage à Tanger pût aboutir à une campagne contre M. Delcassé dont il apprécie la prudence et la modération; son successeur serait beaucoup moins que le Ministre actuel des Affaires Etrangères en situation de trouver une solution acceptable.
Il me paraît résulter avec évidence de ce qui précède qu’il ne faut pas prendre au tragique et à peine au sérieux le tapage de presse et de bourse qui se fait autour de cet incident. Il y a là de nouveau très probablement une manifestation de la personnalité débordante de l’Empereur Guillaume II, comme dans les discours de Carlsruhe et de Metz, lors du voyage du Président Loubet en Italie. 11 peut y avoir enfin là-derrière une petite intrigue de cour de la part d’un jeune ami personnel de l’Empereur, mais comme je ne puis pas garantir ce détail malgré la source de laquelle je le tiens je préfère ne nommer personne.
Vous m’obligeriez, Monsieur le Président, en n’envoyant pas copie du présent rapport à nos autres Légations parce qu’une indiscrétion d’un Cabinet noir pourrait avoir des conséquences désagréables pour l’Ambassadeur d’Allemagne à Paris en raison de la liberté avec laquelle il a jugé l’intervention de son souverain.
- 1
- Politischer Bericht: E 2300 Paris, Archiv-Nr. 58.↩
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International situation (until 1914)