Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
16. Italie
16.3. Traité italo-suisse
16.3.2. Subvention italienne et rachat de la ligne par la Suisse
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 416
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E53#1000/893#331* | |
Old classification | CH-BAR E 53(-)1000/893 48 | |
Dossier title | Übertragung der italienischen Simplonkonzession an den Bund, Instruktionen für die Schweizer Delegierten an der Simplonkonferenz in Rom und Vorschläge der italienischen Delegation (1895–1903) |
dodis.ch/42826
Le Ministre de Suisse à Rome, G. B. Pioda, au Chef du Département des Postes et des Chemins defer, J. Zemp1
J’ai l’honneur de vous confirmer mon télégramme chiffré d’hier soir2 qui résumait le résultat de la conférence que j’ai eue hier de 4 1/2 à 6 1/2 dans le cabinet de M. Prinetti à la Consulta, en sa présence, avec le Ministre de la Guerre Ottolenghi et avec le Général Saletta, Chef de l’Etat-Major général.
Mes honorables collègues de la délégation pour le transfert du Simplon à la Confédération vous ont mis au courant à l’heure qu’il est de ce qui s’est passé depuis mon rapport du 18 et. soit dans la séance du 21 de la Conférence3, soit dans la conversation que j’ai eue jeudi 22 avec M. Prinetti. Comme vous savez, M. Prinetti m’avait parlé de la zone neutralisée de la Savoie et de la servitude de passage par le Valais accordée en faveur du Roi de Sardaigne pour que, en cas de guerre4, ses troupes eussent moyen de se retirer en Piémont, servitude que certaine littérature militaire française invoque pour le cas d’une guerre contre l’Italie. En me rendant hier à la Consulta je pris avec moi le volume de Rivier5 pour lui lire ce que cette grande autorité en droit international dit au sujet de cette question aux pages 163–164 et 302. M. Prinetti ouvrit la discussion en disant que la Conférence du Simplon avait réussi à amener une entente sur tous les points, à l’exception de la demande de l’Italie que le tronçon Iselle-Domodossola soit exploité par les chemins de fer italiens. Il invita le Général Ottolenghi à vouloir exposer les motifs pour lesquels il croyait devoir insister sur la demande. Le Général dit en peu de mots que Iselle est un point stratégique, que la défense nationale exige qu’il soit entièrement à la disposition de l’autorité militaire italienne et que du reste les raisons de la demande seraient plus amplement exposées par le Général Saletta qui avait fait une étude spéciale de la question. M. Saletta dit donc ses raisons. Il parla de la neutralité de la Suisse, de son excellente organisation militaire, des fortifications du Gothard qui la mettent à l’abri de toute tentative d’attaque provenant du Sud, de l’absence de toute défense vers le Jura et vers le Nord, de l’insuffisance des fortifications dans le Valais contre une invasion française. Sur ce point il s’étendit dans le sens déjà indiqué par M. Prinetti. Il dit que l’art. 2 du traité du 24 mars 1860 entre la France et la Sardaigne avait été une erreur et que malheureusement la France n’a jamais voulu se prêter depuis à régler cette question ni avec l’Italie ni avec la Suisse, si ses renseignements sont exacts en ce qui nous concerne. L’attitude de la Suisse à l’égard de la zone neutralisée de la Savoie ne s’est pas clairement affirmée jusqu’ici. En 1859 elle a permis le passage de troupes françaises sur Culoz. En 1870 elle n’a pas non plus occupé ladite zone avec ses troupes; on ne sait pas si elle se croit autorisée à y ériger des forts. En tous cas elle s’en est abstenue tandis que la France a fait des tentatives d’ériger des forts6 et elle y érige des écoles qui ressemblent facilement à des casernes. On ne se cache pas en France d’écrire qu’au moment donné, en forçant un peu, on pourra faire usage de la servitude de passage par le Valais pour descendre à Aoste et à Domodossola. Malgré la bonne organisation militaire suisse, celle-ci pourra difficilement empêcher la France, qui a une mobilisation très rapide, de pénétrer dans le Valais d’où l’invasion de l’Italie peut s’opérer facilement. L’Italie a trop négligé jusqu’ici de s’occuper de cette question. Ses rapports avec la France sont très cordiaux en ce moment mais il faut que le pays se prémunisse contre toute éventualité future surtout en vue des préparatifs que la France fait en Savoie. Il est partant du devoir absolu de l’Etat-Major général de demander à avoir tous les moyens nécessaires pour protéger le passage si important du Simplon sur territoire italien. Ce serait un fait unique de voir pénétrer une ligne d’Etat étrangère jusqu’à 18 kilomètres à l’intérieur du pays sur un passage qui a une grande importance stratégique.
Le Gouvernement suisse et l’Etat-Major fédéral voudront bien reconnaître que la demande de l’Etat-Major italien n’est pas une inspiration du caprice mais qu’elle est justifiée par le droit et le devoir suprêmes de la défense nationale. Si on a commis l’erreur de ne pas insister sur ce point jusqu’ici, ces droit et devoir subsistent toujours. Le Gouvernement italien ne veut pas faire de difficultés au transfert de la concession à la Confédération. Aucune difficulté technique de conséquence ne s’oppose à l’effectuation de sa demande que le tronçon Iselle-Domodossola soit, pour ce qui concerne la traction et la conduite, exploité par un personnel italien. A l’art. 4 de la convention pour la concession du chemin de fer Vallorbe-Mont d’Or le Gouvernement suisse a bien exigé qu’en tout temps l’entretien du chemin de fer soit assuré par un personnel de nationalité suisse. L’Italie peut donc bien demander à son tour, bien que tard, qu’on lui tienne compte des mesures de prudence qu’elle est en devoir de prendre.
Je répondis que je n’avais ni instructions ni compétence pour entrer dans une discussion en matière militaire. Que je savais seulement que Gouvernement et peuple suisses sont bien autrement organisés et disposés qu’ils ne l’étaient à l’époque des guerres napoléoniennes où le territoire suisse servit de champs de bataille aux armées étrangères qui se combattaient pour des causes qui n’étaient pas les nôtres, et qu’ils sont bien décidés à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour prévenir le retour de pareille calamité. Quant à la question de la zone neutre de la Savoie je lus les pages indiquées plus haut du volume de Rivier. Je fis ensuite observer que nous nous trouvions maintenant en présence d’un traité et de deux conventions où il est toujours question de l’exploitation du tronçon Iselle-Domodossola par la Compagnie Jura-Simplon ou en son lieu par les chemins de fer suisses. L’échange de notes qui eut lieu en avril 1898 entre la Légation et le Ministre des Affaires étrangères du Royaume d’Italie7 donnait au Gouvernement suisse l’assurance qu’aucune difficulté ne serait faite par l’Italie au transfert de la concession à la Confédération. La Convention de 1899 a été faite pour régler l’exploitation du tronçon Iselle-Domodossola par les chemins de fer suisses. Le Gouvernement italien savait déjà en 1895 que l’Etat suisse entrerait en lieu et place de la Jura-Simplon dans l’exploitation de la ligne. C’est l’Italie qui a voulu la gare internationale à Domodossola contre le désir des populations suisses qui la voulaient à Brigue.
Le Gouvernement suisse a eu bien des difficultés pour persuader ces populations de céder à la demande de l’Italie. Or, la rétrocession de l’exploitation du tronçon en question à l’Italie va mettre le Gouvernement fédéral dans une position illogique et embarrassante.
M. Saletta répondit à mon observation que la Suisse exploitait une 60taine de kilomètres sur territoires étrangers et qu’en échange compagnies et Etats étrangers exploitent un nombre à peu près égal de kilomètres de chemin de fer sur notre territoire, que l’exemple du Simplon ne peut pas se comparer aux autres au point de vue stratégique. Je lus aux pages 50 et 52 du recueil des pièces relatives au Simplon8 les déclarations de la délégation italienne et l’échange de notes entre M. Carlin et M. Visconti-Venosta. Je n’ai négligé aucun argument. Il serait trop long et inutile d’entrer dans tous les détails de la discussion qui a été, sauf les déclarations de M. Saletta, à peu près celle qui eut lieu au sein de la conférence des délégations suisse et italienne. La conclusion fut que chacun resta de son avis sauf que M. Prinetti observa que déjà en 1895 on prévoyait que pour le transfert il serait nécessaire de faire des arrangements. Je lui observai que des arrangements ne doivent pas renverser toute une convention, comme c’est le cas de la demande de l’Etat-Major. Il proposa alors de rédiger la proposition de l’essai de l’exploitation italienne pendant 4 ans de manière à ne préjuger aucun droit et laissant la faculté à chacune des parties contractantes de dénoncer l’arrangement s’il ne lui convient pas. Il ajouta qu’on pourrait aussi s’entendre sur l’éventualité d’un rachat de la ligne à courte échéance. Enfin il émit l’espoir que Messieurs mes Collègues, en exposant verbalement la situation au Conseil fédéral, pourront mettre celui-ci dans la situation de juger d’elle autrement que lorsqu’il donna ses premières instructions et qu’il puisse trouver la formule de l’entente désirée.
J’ai laissé le présent rapport en suspens en l’attente d’une communication de M. Prinetti. Elle m’arrive maintenant (7 h.) et je m’empresse de vous la transmettre ci-jointe.9
La presse italienne s’est tue jusqu’à présent. Elle s’est bornée à reporter les nouvelles de Suisse en s’abstenant de commentaires.10
- 1
- Lettre: E 53/94.↩
- 2
- Non retrouvé.↩
- 3
- Cf. Procès-verbaux de la Conférence entre les délégués de la Suisse et de l’Italie concernant le transfert à la Confédération helvétique de la concession du Gouvernement italien à la Compagnie du Jura- Simplon pour la construction et l’exploitation, sur le territoire italien, du chemin de fer du Simplon. Rome, 10–21 janvier 1903. Non reproduits.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 3, no 336, dodis.ch/42315.↩
- 5
- Il s’agit vraisemblablement de l’ouvrage: Rivier, Alphonse, Principes du droit des gens, Paris, Rousseau, 1896, 2 vol.↩
- 6
- Cf. DDS, vol. 3. chapitre III 4.1.↩
- 7
- Aide-mémoire du 5 avril 1898, non reproduit; note de Visconti-Venosta à Carlin du 11 avril 1898, cf. no 254 annexe, aide-mémoire du 17 avril 1898, non reproduit.↩
- 9
- Non retrouvée.↩