Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
16. Italie
16.2. Ouvriers italiens en Suisse
16.2.2. Rupture des relations diplomatiques (affaire Silvestrelli)
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 408
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#652* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(A)1000/45 75 | |
Dossier title | Nr. 627. Silvestrelli-Handel (1900–1903) | |
File reference archive | B.252 |
dodis.ch/42818
En continuation de mon rapport de ce jour2, relatif à mon entretien avec M. Prinetti, je crois encore devoir ajouter ce qui suit:
Comme j’allais me lever M. Prinetti me retint en disant: «J’aimerais encore Vous demander une chose, mais à titre tout à fait confidentiel et privé. Ce n’est plus le Ministre des Affaires étrangères qui parle au Chargé d’affaires de Suisse. Oubliez que Vous êtes à la Consulta et dites-Vous que c’est Prinetti qui parle à Du Martheray. Franchement ne craignez-Vous pas qu’à l’occasion du passage du Roi en Suisse n’éclate de nouveau une campagne de presse, suscitée par un article du Risveglio ou de tout autre journal de ce genre? Vous comprenez dans quelle fâcheuse situation je me trouverais et quelle responsabilité j’encourrais si j’allais exposer mon Souverain à des attaques comme celles du Risveglio»?
Très embarassé, je lui répondis que j’étais convaincu que le peuple suisse verrait dans cette visite du Roi un témoignage de sympathie auquel il serait sensible. Que d’ailleurs, d’après ce que j’en pouvais juger, la reprise des bons rapports avait été saluée en Suisse par une satisfaction unanime. Que la presse suisse en donnait témoignage et qu’en tous cas, si l’éventualité fâcheuse qu’il soulevait, venait à se produire, le Gouvernement fédéral en serait certainement tout aussi désagréablement affecté que le Gouvernement Royal, que cela ne pourrait jamais être que le fait de journaux peu patriotes, peu conscients des traditions de l’hospitalité suisse et que le Gouvernement fédéral serait le premier à les condamner.
Je ne serais pas exact si je n’ajoutais pas que ma réponse ne parût pas le rassurer tout à fait. Il resta soucieux et passant ensuite à la presse en général en répétant toujours que c’était Prinetti qui parlait à titre tout personnel et confidentiel il revint sur l’incident «heureusement terminé pour les deux parties» protestant avec énergie d’avoir jamais songé à s’ingérer dans nos questions de législation et exprimant l’espoir que, si le cas d’outrage au Souverain par voix de la presse, venait à se reproduire, «le Conseil fédéral trouverait le moyen de sévir, quitte à ce que l’inculpé soit ensuite acquitté par les tribunaux. Car, enfin», ajouta-t-il, «il y là un délit de droit commun, qui devrait être poursuivi d’office.»
M. Prinetti s’était animé en parlant, et ne voulant pas au moment de la réconciliation risquer d’envenimer la situation, je n’ai pas voulu recommencer la polémique des articles 41 et 42 de notre Code pénal fédéral. Je répondis évasivement que la presse faisait beaucoup de mal et que, comme me l’avait fait entendre un jour le Ministre des Affaires étrangères à Vienne, il vaudrait souvent mieux l’ignorer, ne pas lui accorder une si grande importance et en tous cas ne pas rendre les Gouvernements responsables d’opinions souvent isolées.
Mais M. Prinetti parut ne pas être de cet avis car il me parla ensuite de «l’attitude prise par la presse suisse», d’habitude pondérée, à l’occasion de l’accord survenu et tendant à le représenter comme un succès de la Suisse et un échec de la politique italienne. «Heureusement» remarqua-t-il, «que les Chambres ne sont pas réunies, car si c’était le cas, je serais certainement en but à des interpellations à ce sujet». On ne manquerait pas de me demander s’il est vrai que, comme l’affirme Votre presse, je n’ai dans les négociations de réconciliation pas soulevé la question de fond et si je ne me suis pas assuré sinon directement de la Suisse, au moins de la Puissance médiatrice, certaines, je ne veux pas dire garanties... je ne veux pas dire assurances... mais certaines... (il n’a pas trouvé le mot). Et je me verrais alors obligé de sortir de la réserve que j’ai observée jusqu’à présent et que j’ai recommandée à la presse amie.
J’aurais été bien tenté de faire observer à M. Prinetti que dans cette question la presse suisse – du moins celle dont j’ai eu connaissance ces derniers temps – est restée bien en arrière d’une grande partie de la presse italienne (antigouvernementale) Secolo, Giornale d’Italia, etc.
J’ai préféré éviter de répondre, parce que j’étais insuffisamment renseigné, parce que je trouvais le moment mal choisi pour raviver le différend et que je ne croyais pas devoir sortir du rôle neutre d’un Chargé d’affaires. Je me suis borné à insister sur le fait qu’en Suisse la presse est indépendante et qu’il n’existe pas de presse officieuse comme il persiste à le croire.
Pardonnez-moi, Monsieur le Président, de m’être étendu autant sur cette conversation, d’un caractère tout confidentiel et privé, mais comme elle peut Vous être de quelque utilité, j’ai cru devoir la porter à Votre connaissance à titre de simples renseignements. Je tiens à répéter encore que le ton de M. Prinetti n’a pas cessé d’être parfaitement courtois.