Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 326
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#666* | |
Dossier title | Nr. 637. Allgemeines, insbesondere Berichte der schweizerischen Auslandvertretungen und Mitteilungen der Kriegsparteien (1899–1903) | |
File reference archive | B.263 |
dodis.ch/42736 Le Ministre de Suisse à Londres, Ch. D. Bourcart, au Président de la Confédération et Chef du Département politique, E. Müller1
La semaine qui vient de s’écouler a vu la convocation du Parlement pour le mardi 17 octobre, l’ordre de mobilisation pour un corps d’armée avec appel sous les drapeaux des réserves nécessaires et l’ultimatum du Président Krüger, équivalent à une déclaration de guerre.
Aurait-il été possible au Ministère d’éviter ce dénouement et désirait-il une solution pacifique? Etant donnés les griefs réels des «uitlanders» du Transvaal et l’entêtement bien connu du Président de cet Etat il est permis d’en douter; d’autre part il faut aussi qu’on se rende compte des intérêts anglais qui sont en jeu pour juger équitablement la politique du gouvernement britannique.
Il ne s’agit en effet pas seulement de protéger des nationaux plus ou moins mal traités par une petite république sud-africaine ou encore de s’assurer la haute-main sur des mines d’or où d’ailleurs les propriétaires anglais prévalent déjà, mais bien de conserver à l’Angleterre non seulement sa suprématie dans lAfriquedu Sud mais la possession même de ses colonies les plus anciennes telles que celle du Cap. Vous savez en effet que dans cette colonie le parti des «Afrikanders» soit des colons d’origine hollandaise est très nombreux, si puissant même que le ministère actuel de la colonie (Ministère Schreiner) est exclusivement Afrikander. Or le but plus ou moins avoué des Afrikanders est de faire de l’Afriquedu Sud une grande république ou confédération où l’élément hollandais aurait la haute main et de mettre l’administration anglaise à la porte. L’existence de deux Etats hollandais indépendants à la porte même des colonies anglaises donne à ce parti un appui effectif qu’il peut être dangereux, au point de vue purement politique, de laisser persister. L’attitude du Ministre Schreiner qui, même après la déclaration de guerre, cherche à réserver à la Colonie l’attitude d’une puissance neutre, avec une neutralité même bienveillante au Transvaal, l’ennemi officiel du Gouvernement, prouve assez les dangers que court la cause de l’Angleterre dans ses propres possessions.
J’ai cru devoir attirer votre attention spéciale sur ce côté de la question parce qu’il me semble que la presse suisse est assez généralement portée à la perdre de vue. Il est très compréhensible que la cause d’un petit peuple cherchant à maintenir son indépendance vis-à-vis d’un puissant empire éveille chez nous de nombreuses sympathies; je dois cependant faire remarquer ici aussi que la cause des Boers n’est pas précisément celle de la liberté, mais bien plutôt celle d’une oligarchie défendant ses privilèges. La situation a quelqu’analogie avec ce qui se passait chez nous à la fin du siècle dernier; nous sommes généralement d’accord pour regretter que l’ancien gouvernement de Berne n’ait pas su donner à temps à ses sujets les droits et les libertés que comportait l’état de leur civilisation et la morale moderne et qu’il ait ainsi fourni à l’étranger un prétexte à intervention; cela ne nous empêche nullement d’admirer les défenseurs du Grauholz et de reconnaître la part qui leur revient dans le maintien de notre indépendance.
Combien plus belle serait la position des Boers s’ils avaient su faire le sacrifice de leurs privilèges et admettre largement les habitants du pays à participer à son gouvernement! De plus je dois faire remarquer que la liberté offerte par les Anglais est bien plus réelle que celle qu’importaient les armées de la première république.
Pour le moment il ne faut pas s’attendre à des faits de guerre décisifs; le corps d’armée n’est pas parti encore et mettra des semaines à arriver; les Anglais se tiendront donc sur la défensive et subiront peut-être même des échecs isolés, mais ils me semblent bien déterminés à en finir une fois pour toutes et n’abandonneront pas la partie avant d’être arrivés à leurs fins. On pense dans les cercles officiels que les Boers chercheront à saisir une partie assez importante de territoire britannique avant l’arrivée des renforts et à entamer des négociations avec ce gage en mains avant que l’Angleterre le leur ait de nouveau arraché; mais il est peu probable qu’on consente à des pourparlers avant d’avoir remporté un succès définitif. La campagne sera donc longue si les Boers ne se soumettent pas complètement à brève échéance.
Depuis la déclaration de guerre par le Transvaal les partis sont absolument unis et d’accord pour la pousser avec vigueur; le Gouvernement obtiendra donc sans difficultés tout ce qu’il demandera au Parlement.
- 1
- Lettre: E 2001 (A) 637.↩