Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 255
volume linkBern 1994
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.41-02#1000/1671#3706* |
Old classification | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 522 |
Dossier title | Correspondances politiques et diplomatiques, Teil 2 (1897–1898) |
File reference archive | lbis/1-50 |
dodis.ch/42665
M. de Claparède nous écrit en date du 9 de ce mois:
On n’apprend ici, au sujet du conflit entre l’Espagne et les Etats-Unis, guère plus que ce que nous apportent les journaux. Au Ministère des Affaires étrangères on décline plutôt la responsabilité des ouvertures qui ont été faites par les puissances à Washington et à Madrid. «Nous avons fait comme la France, me disait-on hier à la section politique, nous nous sommes d’abord bornés à faire savoir aux parties intéressées que nous étions prêts à leur offrir nos bons offices dans un but humanitaire et pacifique, mais, en dehors de la démarche faite auprès de M. MacKinley, nous nous sommes bien gardés de faire un pas de plus qui, avec l’extrême susceptibilité des parties, n’aurait pas manqué de produire une explosion de chauvinisme, de l’autre côté de l’eau surtout.» Au Ministère des Affaires étrangères, bien que l’on reconnaisse les bonnes intentions de M. MacKinley, les sympathies sont évidemment pour l’Espagne déjà vu les liens de parenté entre les cours catholiques d’Autriche et d’Espagne, mais aussi parce que l’on redoute la défaite totale des forces espagnoles et l’effondrement des institutions monarchiques de ce pays. Une république de plus en Europe n’est certainement pas ce que l’on désire à la Hofburg, surtout par le temps qui court. «La politique des Etats-Unis – me disait-on au Ballhausplatz – n’est qu’une affaire de finances: les caissiers de New York perdent des milliards (!), ils poussent à la guerre parce qu’ils ne peuvent liquider leur position, en outre, en dehors des caissiers, il se trouve des milliers de spéculateurs américains qui, ou bien ont déjà acheté des valeurs foncières et industrielles à Cuba dans l’espoir d’une mieuxvalue après l’annexion de l’île par les Etats-Unis ou qui comptent acheter à vil prix des riches plantations de l’île au moment de l’exode des Espagnols de Cuba.» Enfin, toujours d’après la même source, l’Espagne aurait fait toutes les concessions qui étaient humainement possible de faire!? Le Ministre d’Amérique souffle naturellement dans un autre cor. Je me bornerai à vous dire que mon collègue des Etats-Unis m’assure que M. MacKinley ne peut actuellement faire aucune concession sur les différentes questions en litige, parce qu’il n’existe pas un seul homme dans tous les Etats-Unis qui ne soit convaincu que la destruction du «Maine» est l’œuvre de l’Espagne. C’est peut-être faux, dit-il, mais avec sa meilleure volonté, M. MacKinley ne peut lutter contre la violence de ce courant de l’opinion publique.
La situation paraît donc désespérée à moins que les démarches des puissances à Madrid n’amènent l’Espagne à faire une concession sur la question de l’armistice, ce qui permettrait à M. MacKinley de gagner du temps et de son côté de faire certaines concessions qu’autrement le Congrès et la nation américaine ne ratifieraient jamais.
Deux questions qui concernent la Suisse plus ou moins directement ont lieu d’être considérées en prévision du commencement possible des hostilités, à savoir les déclarations du Traité de Paris relatives aux bases d’un droit maritime en temps de guerre et l’extension de la Convention de Genève à la guerre maritime.
Pour ce qui en est de la première question, les Etats-Unis et l’Espagne se sont refusés à faire acte d’adhésion complète aux quatre déclarations du Traité du 16 avril 1856 se refusant d’abolir la course. Par contre l’un et l’autre de ces pays a déclaré accepter les 3 autres déclarations, à savoir que le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, que la marchandise neutre n’est pas saisissable sous pavillon ennemi (sauf la contrebande de guerre), enfin que les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs. Dans le cas d’une guerre entre ces deux pays notre commerce suisse bénéficierait donc d’une mise en pratique loyale de ces règles et aurait d’autant moins à redouter du fait que ces deux belligérants n’ont pas aboli la course, que vu la situation de leurs ports d’attache et les conditions de leur exploitation les navires marchands d’Espagne et des Etats-Unis ne peuvent avoir qu’exceptionnellement des marchandises suisses à bord. Néanmoins il y a lieu de se demander si des navires brevetés appliqueraient aussi loyalement que les navires de guerre les déclarations 2, 3 et 4 du Traité de Paris. Je pense qu’il y a lieu de répondre à cette question par l’affirmative, puisque les droits des corsaires seraient établis par les lettres de course rédigées par les belligérants en conformité des dispositions en vigueur pour leur marine de guerre, ensuite parce que pour être condamnés, les navires saisis et leur cargaison devraient être jugés par les cours de prises qui appliqueraient le droit établi par les belligérants, non seulement au point de vue des déclarations précitées mais des principes régissant la contrebande de guerre. Je me suis informé si des pourparlers ont déjà eu lieu au sujet de ces différentes questions entre les gouvernements des Etats neutres plus spécialement intéressés. L’Ambassadeur d’Italie, avec lequel j’en parlais aujourd’hui, m’a assuré qu’un échange de vues n’a pas eu lieu jusqu’ici mais que M. Venosta-Visconti [sic], répondant à une interpellation, avait déclaré que le gouvernement italien ne manquerait pas de s’entendre avec les autres puissances afin d’obtenir, le cas échéant, une pratique de la part des belligérants de nature à entraver le moins possible le commerce des neutres. Mon auteur pensait qu’au commencement des hostilités, les belligérants déclareraient, chacun pour soi, les principes qu’ils appliqueront quant aux droits des neutres, la contrebande de guerre et les déclarations de blocus. C’est alors que les pays neutres, après s’être concerté entre eux, présenteront les vœux et leurs observations. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant de ce qui pourra avoir été demandé et obtenu en faveur des marchandises neutres.
Quant à la question de l’extension de la Convention de Genève aux guerres maritimes, vous vous souvenez, Monsieur le Président, que cette question soulevée à Paris en 1867, traitée à Genève en 1868 (articles additionnels)2 puis à Rome en 18923, a été l’objet d’une récente décision du Conseil fédéral qui, répondant à une note de la Légation d’Italie, a déclaré – 8 juin 18974 – vouloir réserver à la Suisse le soin de poursuivre l’œuvre de la Croix-Rouge et faire les démarches nécessaires pour réaliser le vœu de la Conférence de Rome de 1892. A la Conférence des sociétés de la Croix-Rouge en septembre dernier, vos délégués ont déclaré en votre nom que vous étudiez cette question et que dès que les études que le Conseil fédéral a ordonnées seront terminées vous ne manqueriez pas de soumettre aux Etats intéressés un exposé des vœux et avis entendus.
Ne serait-il pas indiqué et conforme à la mission que le Conseil fédéral s’est réservée de notifier aux belligérants les textes non ratifiés des articles additionnels adoptés à Genève le 20 octobre 1868, de leur rappeler que, durant la guerre franco-allemande, les belligérants avaient convenu de mettre provisoirement en vigueur les articles additionnels et cela pour la durée de la guerre, enfin d’inviter les parties intéressées à suivre cet exemple, en étendant les dispositions de la Convention de Genève à cette guerre, qui serait éventuellement surtout une guerre maritime.
Tags