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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 4, doc. 156
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
Segnatura | CH-BAR#E2#1000/44#1661* | |
Titolo dossier | BRB vom 23.2.1895 betr. die Einfuhr aus der zollfreien Zone von Hochsavoyen und der Landschaft Gex (1893–1895) | |
Riferimento archivio | B.137.2 |
dodis.ch/42566 Audience accordée à une délégation du Conseil d’Etat de Genève par les Chef des Départements des Affaires étrangères, des Finances et des Douanes et de l’Industrie et de l’Agriculture12
M. le Conseiller fédéral Lachenal invite la délégation du Conseil d’Etat de Genève à exposer ses vues sur la question de la zone.
M. Ador remercie les conseillers fédéraux d’avoir bien voulu accorder cette audience.
Il déclare que le Conseil d’Etat est venu à Berne pour exposer respectueusement mais en toute franchise aux premiers magistrats de la Confédération qu’il estime et qu’il respecte profondément, les inquiétudes, les préoccupations, les craintes du canton de Genève, afin de dégager sa responsabilité et de bien faire comprendre au Conseil fédéral l’état des esprits à la frontière occidentale de la Suisse.
M. Ador rappelle que lorsqu’en juin dernier ses collègues et lui ont retiré leur motion3, c’est à la suite d’un long entretien de M. Favon et lui avec M. le Conseiller fédéral Hauser.
Ils ont alors compris que le Conseil fédéral désirait que cette question ne fût pas soulevée dans un débat public où le Conseil fédéral aurait dû prendre position contre la motion, et où en développant la motion on aurait pu être amené à donner des arguments qui auraient affaibli le Conseil fédéral vis-à-vis de la France.
Le Conseil fédéral a promis d’étudier à nouveau les conditions auxquelles le système douanier, actuellement appliqué aux zones franches de la Savoie du Nord et du Pays de Gex, pourrait être modifié.
Sans doute le Conseil fédéral n’a pas pris l’engagement de faire un rapport et des propositions dans la session de décembre; mais tous les intéressés, soit à Genève soit dans les zones, ont pensé qu’une telle déclaration faite en juin serait suivie en décembre d’une communication du Conseil fédéral.
Le mécontentement a été très grand à Genève quand on a appris le retrait de la motion et il a fallu l’intervention énergique et persistante de la députation genevoise et du Conseil d’Etat pour empêcher les assemblées populaires, les articles de journaux et l’explosion du mécontentement. Le Conseil d’Etat a toujours défendu le Conseil fédéral, engageant la population à avoir confiance en lui. Aujourd’hui il n’est plus maître de l’opinion publique. Le Conseil d’Etat n’a reçu aucune communication du Conseil fédéral depuis le mois de juin; la session de décembre va s’ouvrir et il faut qu’on sache à Genève ce que pense le Conseil fédéral et ce qu’il veut faire.
M. Ador demande au Conseil fédéral de déclarer dans la session de décembre que la Suisse est prête à accorder par un acte unilatéral et à bien plaire, aux produits agricoles des zones le tarif conventionnel, sous réserve des garanties de contrôle.
M. Ador accorde que le Conseil fédéral est seul juge de savoir quelles sont les garanties de contrôle qui lui paraissent suffisantes pour éviter l’infiltration par les zones des produits français. Si ces garanties ne peuvent pas être obtenues, la France seule en sera responsable mais la Suisse aura fait son devoir.
La Suisse a commis une grave erreur en appliquant le 1er janvier 1893 le tarif de combat aux produits des zones franches. Il faut la réparer.
On espérait avoir une arme contre la France et l’amener ainsi plus vite à reprendre les négociations commerciales; l’expérience a prouvé que le résultat était précisément le contraire; la France a profité de la faute commise par la Suisse pour montrer aux populations de la Savoie dont l’annexion en 1860 n’avait été possible que moyennant la concession de la zone, que cette zone ne leur profitait plus à rien.
Grâce à la politique de la Suisse, la France travaille à supprimer les zones qui constituent un état de choses contraire à l’unité économique, et dans un certain sens, à l’unité politique du territoire français.
La France gagnerait ainsi pour ses produits en Savoie et dans le Pays de Gex, le débouché actuellement évalué pour la Suisse à 20 millions.
Si comme nous l’espérons et comme nos renseignements particuliers nous le font espérer, il y a un sérieux espoir de s’entendre prochainement avec la France pour la reprise des négociations commerciales, la Suisse sera en bien meilleure posture pour obtenir des concessions dont le pays profitera tout entier, si par un acte de sa volonté elle a auparavant réglé comme nous le lui demandons la question des zones.
Elle aura fait preuve d’équité et tout le monde lui en saura gré. Ce n’est pas un acte de faiblesse de sa part. Ce serait un acte de force. La France a agi de même en 1882 vis-à-vis de l’Angleterre. Les produits français entrant en franchise en Angleterre, M. Tirard a proposé et la Chambre a voté d’accorder aux produits anglais le traitement de la nation la plus favorisée. Jamais le parti protectionniste français n’a protesté contre ce régime. La situation de la Suisse vis-à-vis des zones est identique à celle de la France vis-à-vis de l’Angleterre.
Si le Conseil fédéral ne répond rien en décembre, les sénateurs et députés français de la Savoie et de l’Ain sont décidés à demander le rétablissement de la douane à la frontière dès le 1er janvier 1895. Ce sera une perte énorme pour Genève et pour tout le commerce suisse (lainages, tissus, produits métallurgiques) qui par l’intermédiaire des maisons de Genève, envoie ses produits dans les zones. Mais M. Ador ne veut pas envisager le côté terre à terre de la question. Il veut rendre le Conseil fédéral attentif aux conséquences politiques:
– mécontentement et désaffection à Genève, conflits perpétuels à la frontière, c’est ainsi qu’à la fin du siècle dernier a commencé l’annexion de Genève à la France;
– influence des 35.000 Français habitant Genève sur notre population;
– suppression de la neutralité politique de la Savoie;
– établissement de fortifications à notre frontière.
C’est à la première complication le canton de Genève perdu pour la Suisse.
Il faut que le Conseil fédéral le sache et le comprenne. Quant à nous, députation du gouvernement de Genève, nous ne voulons pas en accepter la responsabilité.
M. Ador ne veut pas créer de difficultés au Conseil fédéral, mais il estime que si une réponse satisfaisante n’est pas donnée avant le 15 décembre il ne restera à la députation genevoise que 2 alternatives:
ou provoquer par une interpellation un grand débat public dans lequel il se dira des choses pénibles,
ou se retirer in globo par une décision motivée. Quant à lui il est décidé à ne plus continuer à représenter son canton si on ne lui donne pas une légitime satisfaction.
Dans toute cette question, il ne se place pas au point de vue des intérêts directs de son canton.
Il n’en fait pas une question d’argent.
C’est une question politique et nationale au premier chef. C’est une question d’avenir pour la Suisse.
C’est pourquoi il a tenu à porter ici, en huis clos, en toute franchise et à dire au Conseil fédéral: si vous ne faites rien, nous à Genève nous dégageons notre responsabilité et ne répondons plus des conséquences.
M. Vautier appuie et confirme tout ce qu’a dit M. Ador. Il fait, comme ayant été mêlé personnellement à tous ces événements, l’historique de l’annexion de la Savoie en 1860. Il rappelle les sympathies de ce pays pour la Suisse et prouve qu’il est de l’intérêt de la Suisse de conserver ces sympathies. Ce n’est qu’en promettant la zone que l’Empire a pu faire voter l’annexion.
Il rappelle le propos du Colonel Ziegler disant que Genève n’est rattachée à la Suisse que par un fil qu’on couperait avec des ciseaux et que ce fil ne doit jamais être coupé. Il montre historiquement Genève, capitale économique de tout le pays de Savoie et supplie le Conseil fédéral de prendre garde aux conséquences d’une rupture.
M. Didier montre que la composition de la délégation est la fidèle expression du peuple genevois unanime.
Anciennement à Genève on rejetait tout ce qui venait de Berne; à présent la Confédération n’a pas de meilleur soutien que le canton de Genève. Si la question des zones n’est pas résolue, il y aurait du jour au lendemain un changement à vue d’œil.
Il supplie le Conseil fédéral de croire que la situation est très sérieuse.
La démarche du Conseil d’Etat est exceptionnelle. Elle répond à une situation dont il faut que le Conseil fédéral se rende compte.
M. Boissonnas estime qu’il ne s’est jamais dit à Berne des paroles aussi graves que celles qui se disent dans cette salle. Il rappelle les traditions historiques de la Suisse, la politique de Berne, Zurich, Fribourg, Soleure tendant à travers les siècles une main secourable à Genève.
Il montre que l’orientation et l’expansion de la Suisse ont toujours été dirigées du côté du bassin du Léman, du territoire traversé par le Rhône et l’Arve.
Faire actuellement le jeu de la France en facilitant la suppression de la zone qu’elle a dû concéder en 1860, c’est tourner le dos à toute l’histoire suisse, oublier toutes ses traditions, ce serait commettre une faute irréparable. Il insiste pour que le Conseil fédéral donne une réponse.
M. Lachenal déclare que la délégation du Conseil fédéral a pour instructions d’entendre les délégués de Genève ad audiendum et referendum. Elle ne peut donc pas discuter, mais elle fera rapport dans le plus bref délai au Conseil fédéral.
M. Deucher ajoute et M. Lachenal confirme que le silence de la délégation du Conseil fédéral ne doit pas être interprêté dans un sens défavorable. Cette question sera examinée par le Conseil fédéral au point de vue élevé et national auquel s’est placé le Conseil d’Etat du canton de Genève.
M. Vautier insiste pour que le Conseil d’Etat obtienne une réponse officielle à sa lettre du 13 novembre4 avant le 15 décembre 1894.5
- 1
- A cette audience sont présents les conseillers fédéraux Deucher, Hauser, Lachenal et les conseillers d’Etat de Genève Ador, Boissonnas, Didier et Vautier.↩
- 2
- E 2/1661.↩
- 3
- La communication du Conseil fédéral au Conseil national du 20 juin 1893 à propos de la motion Ador- Favon est reproduite dans le Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant les importations de la zone franche de la Haute- Savoie et du Pays de Gex du 19 mars 1895 (FF 1895, II, pp. 153-168).↩
- 4
- Dans cette lettre, non reproduite, le Conseil d’Etat de Genève écrivait que dans le canton et dans les zones on s’attendait à ce que la question des zones soit discutée au Conseil national à la session de décembre.↩
- 5
- Ce compte rendu est envoyé à Paris le 4 décembre 1894 avec les remarques personnelles suivantes de Lachenal: P.S. Cette affaire prend maintenant une réelle gravité. Il résulte des renseignements recueillis par les Genevois que les députés et sénateurs de Haute- Savoie demanderont au gouvernement français de dénoncer le régime de la zone si une satisfaction n’est pas donnée avant la fin de l’année. Cela peut paraître invraisemblable et incroyable au premier moment; mais la vérité est qu’une grande exaspération règne dans cette contrée et qu’on s’y prépare à signer un pétitionnement en masse dès janvier pour la suppression. Avec un certain nombre de facilités pour l’écoulement de leurs produits en France douanière, notamment le tarif de pénétration pour chemins de fer (et il en est déjà question), la zone finira par s’habituer à faire partie du territoire douanier. Le gouvernement lui fera quelques réductions sur le sucre et le café, pendant quelques années, et la farce sera jouée. Cette tactique est bien celle de la politique française ultra-nationale actuelle, et si nous assistons à la suppression de la zone, nous ne seront pas loin d’assister à la décadence de Genève. Je ne puis pas m’empêcher d’être pessimiste, et je trouve que le Conseil fédéral devrait avant même de renouer avec la France, si cela doit avoir lieu, prendre la mesure sollicitée. Il ne s’agit plus des vins ni des veaux, il s’agit de Genève et de la Suisse et d’une question politique avant tout. Je vous serais reconnaissant si vous pouviez avoir quelque renseignement sur le fond de cette affaire, sur les dispositions du gouvernement et celles des députés savoisiens. C’est très délicat, mais si vous pouviez causer avec l’un ou l’autre, vos renseignements m’intéresseraient beaucoup (E 2/1661). Lardy répondit le 14 décembre 1894 en relatant son entretien avec le député et ancien Ministre, F. Charmes (ibid.).↩
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Dogane e tasse Zona franca dell' Alta Savoia et del Pays de Gex