Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Également: Résponse française à la note helvétique: le régime appliqué à la Suisse dans le domaine des passeports est spécial et justifie une demande de compensation. Annexe de 22.5.1872
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 2, doc. 416
volume linkBern 1985
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E21#1000/131#15712* | |
Old classification | CH-BAR E 21(-)1000/131 581 | |
Dossier title | Pass- und Visafragen, 1867-1874, 1889 (1867–1889) | |
File reference archive | 10.9.4.11 |
dodis.ch/41949
Je suis enfin en mesure de Vous transmettre copie de la réponse du Ministre des Affaires Etrangères sur la question des passeports.
Cette réponse est datée du 22 Mai. Elle n’est parvenue à ma Légation que ce matin à 10 heures. Avant d’obtenir cette réponse de M. de Rémusat dans sa rédaction actuelle, il a été nécessaire de faire un certain nombre de démarches sur lesquelles je me réserve de revenir dans un rapport détaillé, et que je suis obligé d’exposer aujourd’hui très brièvement.
Dans la journée du Dimanche 26 Mai, j’ai reçu du Ministère des Affaires Etrangères, dans un pli portant le cachet de cette administration et dans le format d’usage, une dépêche non signée, datée du 22 Mai, et qui différait de la dépêche dont Vous recevrez aujourd’hui copie par la seule phrase suivante, insérée à la fin de la dépêche: «M. le Ministre de l’Intérieur s’est montré disposé à examiner la question; mais il croit devoir subordonner sa décision aux garanties que le Conseil Fédéral offrirait contre les hommes dangereux qui se sont réfugiés sur le territoire suisse; il désire, en outre, recevoir au préalable, l’assurance que, pour obtenir un permis de séjour etc.»
J’ai cru devoir me rendre immédiatement à Versailles pour réclamer contre une pareille exigence, et rendre le Ministre des Affaires Etrangères attentif aux conséquences probables de cette demande de garanties. J’étais d’autant plus autorisé à le faire, que cette dépêche n’était revêtue d’aucune signature.
Pour aujourd’hui, je me borne à Vous annoncer que M. de Rémusat m’a déclaré aussitôt que cette dépêche devait être modifiée, dans la partie relative aux garanties à offrir par la Suisse, qu’il aurait pour ce motif refusé de la signer et qu’elle n’aurait pas dû être expédiée. En même temps, et pendant que j’étais encore à Versailles, il parvenait à ma Légation à Paris une lettre signée par M. Meurand, Directeur des Consulats au Ministère des Affaires Etrangères, me priant de lui retourner cette dépêche, qui devait être modifiée, et de la considérer comme «non avenue.»
Sur cette réponse de M. de Rémusat, et en prévision des modifications à introduire, j’ai fait immédiatement observer au Ministre que la demande de la France serait contraire à tous les précédents; qu’à ma connaissance, jamais une réclamation de ce genre n’avait été adressée à la Suisse par aucun Gouvernement; à ma connaissance, il n’a jamais été demandé au Gouvernement Fédéral, en matière d’asile, «d’offrir des garanties.» J’ai ajouté que cette manière de voir était pleinement partagée par le Conseil Fédéral, et j’ai donné lecture à M. de Rémusat d’un passage de Votre dernière circulaire confidentielle (no 2, 22 Mai 1872)2, ainsi conçu: «Le Ministère de l’Intérieur...désirerait que le Ministère des Affaires Etrangères obtînt de la Suisse une garantie contre les hommes d’action du parti communard qui se trouvent actuellement à Genève. La réponse de M. le Ministre Kern à cette exigence est en parfaite harmonie avec nos idées.» J’ai répliqué, écritil au Conseil Fédéral dans sa dépêche du 18 Mai, que: «La Suisse ne pourrait pas donner d’avance une garantie etc....La Suisse a du reste le droit d’être traitée à cet égard sur le même pied que la Belgique et l’Angleterre, auxquelles la Francen’a pas demandé de garanties.» J’ai terminé en disant à M. de Rémusat qu’il pouvait déjà juger d’avance du sens probable de la réponse du Conseil Fédéral. Je lui ai alors restitué la dépêche non signée, dont j’avais du reste eu soin de garder copie.
Hier Vendredi, à l’audience habituelle du Ministre des Affaires Etrangères, j’ai insisté de nouveau pour obtenir une réponse favorable. Je lui ai remis de nouvelles notes complémentaires, dont je Vous remets ci-joint copie, et dans lesquelles, aussi bien que dans l’explication verbale, j’ai tenu compte des observations contenues'dans Votre office du 29 Mai3. Si j’ai cru pouvoir affirmer, dans mes notes précédentes, que les personnes munies d’un permis de séjour ne paient pas d’autre taxe, c’est que le Département Fédéral de Justice et Police, dans une correspondance en date du 12 Avril 1863, déclare textuellement ce qui suit: «En ce qui concerne les taxes et les impôts, les législations cantonales ne grèvent d’impôts directs ordinaires que les personnes effectivement établies, tandis que les personnes qui séjournent sans être établies ne paient que la taxe de séjour.» J’ai d’autant moins hésité à reproduire ces termes, que cet office du Département Fédéral de Justice et Police (traduit et expédié par le Dr Roth) a été inséré en extrait au procès-verbal de la 15ème conférence4 pour le traité de commerce franco-suisse, [lors de la]séance du 4 Juin 1863 (page 85 des négociations commerciales, imprimées comme copie pour les membres de l’Assemblée Fédérale). Aucun des membres du Conseil Fédéral, des commissions des Chambres ou de l’Assemblée Fédérale n’ayant rectifié cette assertion, je pouvais à juste titre me croire fondé à la reproduire.
Je suis aussi allé, dans le courant de la semaine, chez M. Victor Lefranc, Ministre de l’Intérieur, pour obtenir le retrait de la demande de garanties de la part de la Suisse, et réclamer en tout cas l’entrée en vigueur immédiate de la suppression de la taxe. M. Victor Lefranc m’a répondu qu’il était disposé à entrer en matière sur ces bases, et qu’en général les difficultés venaient plutôt du Ministère des Affaires Etrangères que de son administration.
Ce matin Samedi, avant d’avoir reçu la dépêche de M. de Rémusat, je suis allé de nouveau à Versailles, et j’ai fait de nouvelles démarches auprès des Ministres des Affaires Etrangères et de l’Intérieur. J’ai trouvé ce dernier beaucoup mieux disposé que M. de Rémusat, qui cependant ne s’est pas prononcé dans le sens d’un refus.
Pour essayer d’arriver enfin à une solution sur la double question de l’entrée en vigueur immédiate de la suppression de la taxe, et de l’égalité de traitements des Suisses et des Anglais ou Belges en matière de passeports, je me suis aussi rendu ce matin chez M. Thiers. Le Président de la République était très occupé: [il]devait assister dans la matinée à plusieurs commissions. Il m’a demandé de venir dîner chez lui «en famille», ce soir à 8 heures à Versailles. Je Vous rendrai compte dans le courant de la semaine prochaine du résultat de notre entretien de ce soir.
Rentré à Paris à une heure, j’y ai trouvé la dépêche de M. de Rémusat, dans laquelle la phrase relative aux garanties est supprimée. (!)
Je Vous adresse ce rapport préalable et me réserve, ainsi que je le disais en commençant, de compléter très prochainement les renseignements qui précèdent dans un nouveau rapport détaillé.
En parcourant les notes remises hier à M. de Rémusat (chiff. 2 et 3), Vous remarquerez qu’elles sont rédigées de telle sorte que, s’il y a des cantons où les individus munis de simples permis de séjour ont d’autres contributions à payer, la même obligation incombe aussi aux Français placés dans la même position. Si mes souvenirs ne me trompent pas, à Genève et dans les autres cantons limitrophes, les personnes munies de simples permis de séjour ne paient pas d’autres taxes. Du reste, la portée de cette question me paraît relativement secondaire, puisque la déclaration du 30 Juin 18645 est relative à la seule réduction de la taxe des permis de séjour, et ne concerne pas les autres taxes que les Aufenthalter peuvent être tenus de payer. En outre, la France, par la dépêche du 13 Juillet 18666, s’est déclarée satisfaite.
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