Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.5. Question de Savoie
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 419
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.154-01#1000/226#33* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.154-01(-)1000/226 29 | |
Dossier title | Korrespondenz der Eidg. Behörden (1859–1863) | |
File reference archive | A |
dodis.ch/41418 Le Président de la Confédération, J. M. Knüsel, à l’Envoyé extraordinaire de Suisse à Turin, A. Tourte.1
Notre Ministre à Paris, M. Kern a eu dernièrement un entretien avec M. de Persigny dans lequel la conversation roula principalement sur les phases qu’a subies la question de Savoie avant la mission de M. Benedetti à Turin et la conclusion du traité de cession du 24 mars I860.2 Voici en substance les résultats de cette conversation.
M. de Persigny déclara à M. Kern avoir eu l’intention bien décidée de donner à la question une solution conforme aux vœux de la Suisse en lui cédant le Chablais et le Faucigny. Que non seulement au commencement de février comme vis-à-vis de nous, mais encore plus tard dans les premiers jours du mois de mars, la France s’était déclarée disposée à céder ces provinces à la Suisse sous condition que le Gouvernement anglais se désistât de ses réclamations contre l’annexion en général, l’objection principale contre cette annexion du point de vue européen se trouvant ainsi écartée par la réalisation de la combinaison proposée par la Suisse pour le cas où le statu quo subirait un changement. Que M. de Persigny en faisant ces ouvertures à Lord Russell au nom du Gouvernement impérial avait ajouté que toutefois la France ne pourrait donner suite à une telle combinaison si l’Angleterre insistait malgré cet arrangement sur son opposition contre l’annexion des autres parties de la Savoie. Que Lord John Russell avait objecté que le Faucigny et le Chablais ne pourraient convenir à la Suisse, nommément au pays protestant de Genève, et que le Cabinet anglais devrait s’en tenir à son opposition contre toute annexion, opposition dans laquelle, au dire de M. de Persigny, le Ministère de S. M. britannique paraîtrait encore avoir été confirmé par l’Envoyé sarde, M. d’Azeglio. Que le Gouvernement impérial voyant ses représentations demeurer infructueuses, n’avait plus d’autre choix que d’exécuter à tout prix l’annexion de toute la Savoie et qu’alors seulement, et sur les rapports de M. de Persigny, eut lieu la mission de M. Benedetti à Turin qui poussa le Gouvernement sarde à la conclusion du traité de cession.
Ces communications de M. Kern mettaient dans un jour nouveau la manière d’agir suivie par le Gouvernement de l’Empereur dans cette affaire, et je ne pouvais m’abstenir, ne fût-ce même que dans l’intérêt historique, de constater la vérité de ces allégations, d’en donner connaissance à notre Envoyé extraordinaire à Londres, M. De La Rive, en l’invitant à se prononcer sur le bien ou malfondé des faits mis en avant par M. de Persigny.
M. De La Rive, dans sa réponse, met en avant qu’il n’arriva à Londres que le jour même de la signature du traité précité du 24 mars, et qu’il trouva, à cette époque encore les ministres anglais connaissant fort mal la question. M. De La Rive se hâta de les éclairer sur l’importance politique et stratégique pour nous de la Savoie puisque cette importance n’avait point été appréciée jusqu’alors à sa juste valeur, le Cabinet anglais n’envisageant que dans son ensemble la question de l’annexion. Il réfuta aussi l’objection relative à la diversité des cultes et la conséquence de ses démarches fut que, déjà le 26 mars, Lord Russell séparait dans un discours nettement la question suisse de la question générale de l’annexion. Cependant, le traité de cession avait été conclu et les efforts faits depuis par l’Angleterre, pour amener un changement favorable à la Suisse, sont restés, ainsi que vous le savez, sans succès.
Quant à ce qui s’est passé avant son arrivée à Londres, M. De La Rive est disposé à croire qu’en effet le Ministre de Sardaigne a constamment sollicité le Cabinet anglais de s’opposer à toute annexion quelconque et que les démarches réitérées et instantes de M. d’Azeglio ont dû convaincre le Gouvernement britannique que le Cabinet de Turin était résolu à ne rien céder. M. De La Rive admet par conséquent comme possible, sans vouloir toutefois l’affirmer le moins du monde, que les ministres anglais n’aient pas favorablement accueilli la transaction proposée par M. de Persigny à une époque où la Sardaigne protestait formellement contre toute annexion et où il était donc difficile à l’Angleterre de devenir le complice du partage d’un bien que ce propriétaire ne consentait pas à céder.
Naturellement il me serait fort agréable d’être bien renseigné encore sur les différents mobiles qui ont guidé le Cabinet sarde, soit dans ses instructions à M. d’Azeglio d’agir contre l’annexion survenue depuis, soit lors des négociations qui ont précédé le traité de cession. Je m’en remets à votre perspicacité de me procurer ces renseignements d’une manière tout à fait officieuse et sans que vos investigations à ce sujet puissent éveiller la moindre défiance ou donner lieu à des susceptibilités ou ressentiments de part ou d’autre.
Je profite en outre de cette occasion pour vous inviter, Monsieur, à bien vouloir me procurer des renseignements sûrs relativement à la limite dans le lac Léman. Vous voudrez, dans ce but, aussi procéder officieusement et, si vous parvenez à découvrir des documents qui se rapportent à cette limite, m’en envoyer copie.