Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.5. Question de Savoie
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 396
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1632* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 265 | |
Dossier title | Frage der Besetzung der Provinzen Chablais und Faucigny durch eidg. Truppen beim Übergang Savoyens an Frankreich [Turinervertrag vom 24.3.1860] (1860–1860) | |
File reference archive | B.137.1 |
dodis.ch/41395 Le Conseil fédéral aux représentants de la Confédération à l’étranger1
Nous apprenons de source certaine que le Gouvernement français, ne tenant aucun compte des prétentions élevées par la Suisse dans la question de Savoie, s’efforce de faire agréer aux hautes Puissances d’autres expédients, à l’égard desquels on prétend qu’ils sont aussi bien dans l’intérêt européen que dans celui de la Suisse, et de nature à offrir une compensation suffisante pour les droits revendiqués par la Confédération et qui lui ont été garantis.
Les nouvelles propositions consisteraient essentiellement:
1. à céder à la Suisse une petite ligne de montagne depuis Meillerie jusqu’au col de Ferret.
2. dans l’engagement de la part de la France de n’avoir aucune flottille armée sur le lac de Genève, pour autant que la Suisse observe la réciprocité à cet égard.
3. enfin la France s’engagerait à n’élever aucune fortification dans une certaine portion de territoire, qui serait limitée par les monts de Vuache, de Sion et de Salève.
Nous avons l’honneur de vous informer à ce sujet que ces propositions ne nous suffisent nullement, qu’elles ne sont point de nature à tranquilliser la Suisse pas plus qu’à compenser les droits et les avantages qui, en 1815, ont été octroyés et solennellement garantis à la Confédération par la neutralisation stipulée par l’Europe dans l’intérêt général.
Si vous jetez un coup d’œil sur la carte, vous verrez au premier abord que la ligne du col de Ferret jusqu’à Meillerie ne saurait point être envisagée comme une concession, en ce que tout le lac en aval de Meillerie demeurerait en la possession de la France et que les minimes parcelles à céder à la Suisse n’auraient aucune signification, puisqu’elles n’offriraient aucune ligne de retraite.
Tout aussi peu suffisante est l’offre ultérieure de n’avoir aucune flottille armée sur le lac, et de n’élever aucune fortification dans un certain rayon. La Suisse peut déjà y prétendre de plein droit en ce que la France a acquis les provinces du Faucigny, du Chablais et du Genevois neutralisé non point comme provinces libres mais au même titre qu’elles ont été possédées par la Sardaigne, savoir comme portions de territoire pour lesquelles l’Europe a stipulé en faveur de la Suisse la même neutralité que celle qui a été assignée à la Suisse elle-même. Or il est évident, qu’il ne peut être tenu aucune flottille armée ni élevé aucune fortification sur un territoire neutralisé, auquel appartient naturellement aussi la partie savoisienne soit française du lac de Genève. A cet égard la France n’a ainsi aucun engagement spécial à contracter, tout aussi peu que la Suisse a à promettre d’observer la réciprocité.
La Suisse doit en conséquence maintenir son programme primitif: cession du territoire depuis le col de Bonhomme au ruisseau des Usses et au Rhône, et elle doit donner à réfléchir aux puissances qu’un affaiblissement de la Suisse serait aussi injuste que contraire aux intérêts européens.
A cette occasion nous ne pouvons nous empêcher d’insister sur ce qu’il y aurait d’erroné à vouloir admettre que la neutralisation des provinces savoisiennes en question n’aurait été stipulée qu’en faveur du Piémont et à titre onéreux pour la Suisse. Cette manière de voir est contraire à la marche historique de cette affaire au Congrès de Vienne. Nous avons déjà à ce sujet rappelé précédemment les ouvertures qui ont été faites par la délégation genevoise au commencement de février 1815, ainsi antérieurement à la note bien connue de M. de Saint-Marsan.2 Ce qu’il y a d’erroné dans cette manière de voir ressort plus clairement encore d’un mémoire qui a été présenté le 24 octobre 1814 par M. Guillaume de Humboldt3, membre du Comité pour les affaires suisses, et dont nous vous ferons parvenir prochainement plusieurs exemplaires. Dans cet important document on reconnaît clairement que la concession d’une bonne frontière militaire à la Suisse serait aussi bien dans l’intérêt général de l’Europe que dans celui de la Confédération. La frontière la plus convenable est désignée dans ce mémoire comme suit: le cours de la Valserine jusqu’au Rhône, le Rhône jusqu’au Fier; le cours de cette rivière encaissée en remontant jusqu’à sa source au Mont Charvin et enfin les hautes cimes de la chaîne qui borne le Faucigny jusqu’au Valais. La Suisse acquerrait par là une frontière impénétrable et en retour elle serait chargée de la garde des passages du Grand-Saint-Bernard et du Simplon, les plus importants de tous, et à la sûreté desquels on aurait pourvu le mieux possible en la confiant au pays qui y a le plus d’intérêt. Dans cet exposé historique remarquable, il est déclaré en outre que, sans une bonne frontière, Genève compromettrait et exposerait le reste de la Suisse au lieu de le fortifier et on perdrait tous les avantages que la position de Genève comme clef des passages en Italie peut assurer dans l’avenir pour le maintien de la paix en Europe.
En présence de ce fait, tout juge impartial devra convenir que la concession d’une bonne frontière militaire à la Suisse a déjà en 1814 été reconnue comme étant dans l’intérêt de l’Europe elle-même et que la neutralisation des provinces savoisiennes en question a été à proprement parler stipulée aussi bien dans cet intérêt général que dans l’intérêt particulier de la Suisse. Il est donc conforme à la position de la Confédération de repousser toute proposition contraire à la réalisation de ce but principal, et de réserver son bon droit. Il doit importer aux hautes Puissances de maintenir leurs stipulations arrêtées à un point de vue supérieur et de protéger la Suisse dans ses droits bien acquis. Nous vous invitons à déclarer par écrit, et dans le sens de la présente note, au cabinet près lequel vous êtes accrédité, que et pourquoi la Suisse ne saurait accepter les dernières offres de la France, qu’elle doit maintenir son programme et ne peut que renouveler l’expression du vœu que la Conférence ne tarde pas à se réunir pour résoudre dans le sens des traités une question qui est d’un intérêt européen général.
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