Sprache: Französisch
23.6.1850 (Sonntag)
Le Chargé d’affaires de Sardaigne en Suisse, C. de Barral, au Président de la Confédération, H. Druey
Schreiben (L)
Demande, en faveur de la zone de Saint-Julien, des corrections au nouveau système des douanes fédérales.
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Jean-Charles Biaudet et al. (Hg.)

Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 1, Dok. 81

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Bern 1990

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dodis.ch/41080
Le Chargé d’affaires de Sardaigne en Suisse, C. de Barrai, au Président de la Confédération, H. Druey1

Le nouveau système de douanes fédérales2 que le Gouvernement suisse vient de substituer à l’ancienne liberté de commerce affecte d’une manière si particulière les relations de la Savoie avec la Confédération, il semble surtout s’éloigner tellement du système de libre échange qui était auparavant en vigueur entre les deux pays, que le Gouvernement de S. M. le Roi de Sardaigne a dû nécessairement s’en préoccuper dans l’intérêt de ses provinces limitrophes. En conséquence il a donné ordre au soussigné, Chargé d’affaires ad interim de S. M. près la Confédération, d’appeler l’attention du Haut Conseil fédéral sur cette affaire importante et de lui présenter les observations suivantes:

Son Excellence, Monsieur le Président de la Confédération connaît la situation toute bienveillante que, par suite d’une ancienne amitié, le Gouvernement de S. M. a prise en toute circonstance vis à vis de la Suisse, et notamment lorsqu’il fut question de régler par le traité du 16 mars 18163 la position réciproque des deux pays. A cette époque, il était naturel que notre ligne de douane fût portée partout à l’extrémité du périmètre de nos frontières, mais le Directoire fédéral ayant fait entendre au Gouvernement du roi que les approvisionnements de Genève se trouveraient ainsi singulièrement gênés, il y avait lieu, dans l’intérêt de la Suisse de se départir de la règle ordinaire et faire reculer au-delà d’une certaine zone l’action de notre système douanier. Dans sa sollicitude pour le maintien des bons rapports anciennement existants, le Gouvernement de S. M. accorda ce qui lui était demandé dans l’intérêt du canton de Genève, et ce fut en conséquence de nos concessions à cet égard que fut rédigé l’article IV ainsi conçu:

«La sortie de toutes les denrées du duché de Savoie, destinées à la consommation de la ville de Genève et du canton, sera libre en tout temps, et ne pourra être assujettie à aucun droit, sauf les mesures générales d’administration, par lesquelles S. M. jugerait à propos, en cas de disette, d’en défendre l’exportation de ses Etats de Savoie et de Piémont

L’état nouveau que le tarif fédéral actuel substitue à la situation faite par le traité de mars 1816 ne saurait en aucune manière être considéré comme rentrant dans l’esprit de ce traité. Au contraire il y est diamétralement opposé car l’on ne saurait admettre la supposition que le Gouvernement du Roi, en voulant favoriser la Suisse en général, et le canton de Genève en particulier, ait pensé un seul instant à placer la zone de Saint-Julien dans une situation telle que les denrées de cette zone pourraient à volonté être repoussées de la Suisse, tandis que sur leur propre sol, elles devraient subir sans résistances et sans protection la concurrence helvétique. C’est cependant là ce qui résulte du nouveau tarif. Quelque modérés que soient les nouveaux droits fédéraux, ils n’en grèvent pas moins d’une manière tout à fait contraire à l’esprit du traité de 1816 les provenances de la Savoie, et il n’y a pas lieu de douter qu’en réalité elles ne constituent, vis-à-vis des productions genevoises un véritable droit protecteur qui ne tend à rien moins qu’à diminuer, sinon à détruire, la consommation qui s’y est faite jusqu’ici des produits savoisiens, et dans tous les cas à gêner cette consommation.

Non seulement le nouveau système fédéral s’éloigne de celui du libre échange autrefois en vigueur, mais appliqué à un territoire neutre comme celui de la zone, quelque modéré que soit le tarif, il favorise d’une manière si exclusive sa production indigène, qu’il peut être considéré comme équivalent à un véritable système de prohibition. En effet, les denrées qui viennent de la Savoie étant des produits agricoles, par conséquent d’un poids considérable, se trouvent à leur entrée sur le territoire de la Confédération frappés d’un droit assez fort, pour leur rendre la concurrence au moins fort difficile avec les produits indigènes.

L’article IV est formel, et du moment que S. M. consentait à des concessions de franchises aussi manifestement nuisibles pour son Trésor, il était évident que la réciprocité, qui d’ailleurs a existé jusqu’à l’établissement du présent tarif, était et devait rester à l’état de fait nécessaire et légitime.

Dans la situation actuelle, la Suisse se trouverait en pleine liberté d’inonder la zone de Saint-Julien de ses produits, tandis qu’elle fermerait son territoire aux produits de cette même zone. Un tel résultat ne saurait être consenti, par le Gouvernement fédéral, qui jusqu’à présent n’a point admis que son tarif ait le moindre caractère prohibitif.

Son Excellence Monsieur le Président de la Confédération a l’esprit trop éclairé pour ne pas apercevoir du premier coup d’œil, combien le Gouvernement de S. M. doit être frappé d’un semblable état de choses, si contraire au précédent et il suffira sans doute de le lui signaler pour que le Haut Conseil fédéral veuille bien, dans sa sagesse, proposer telles mesures qu’il jugera propres à concilier sur ce point important les intérêts de deux pays que des liens d’amitié et de bon voisinage unissent depuis si longtemps.

1
Lettre (Copie): E 13 (B)/207.
2
La loi fédérale sur les péages de la Confédération suisse du 30 juin 1849, qui était entrée en vigueur le 1erfévrier 1850. RO, I, p. 179.
3
RO l, p.l57.