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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 26, doc. 122
volume linkZürich/Locarno/Genève 2018
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E-01#1987/78#5363* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)-01/1987/78 794 | |
Dossier title | Reziprozitätsbestimmungen für Banken (1973–1975) | |
File reference archive | C.41.731.0.(1) • Additional component: Vatikan |
dodis.ch/39488 La Chambre des banques de la Commission fédérale des banques à la Direction du droit international public du Département politique1 CITÉ DU VATICAN / SAINT-SIÈGE / RÉCIPROCITÉ BANCAIRE
Selon l’article 3 ter alinéa 2 de la Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne du 8 novembre 1934 (LB)2, la banque en mains étrangères est tenue de solliciter une nouvelle autorisation complémentaire pour exercer ses activités bancaires si une modification intervient dans l’état des principaux actionnaires ou d’autres personnes exerçant également une influence prépondérante dans l’établissement.
L’octroi de cette autorisation dépend notamment de la condition de réciprocité prévue à l’article 3 bis alinéa 1er lettre a LB dont le libellé est le suivant:
«Une banque organisée selon le droit suisse mais qui est en mains étrangères n’est autorisée à s’établir en Suisse que si sont réunies de surcroît les conditions ci-après…:
a. la réciprocité est garantie par les États où les fondateurs étrangers de la banque ou les personnes physiques ou morales qui les dominent ont leur domicile civil ou leur siège… »
L’article 5 de l’Ordonnance d’exécution de la Loi sur les banques et les caisses d’épargne du 17 mai 19723 précise:
«La réciprocité prévue à l’article 3 bis 1er alinéa de la loi est assurée en particulier lorsque:
a. des personnes ayant leur siège ou leur domicile en Suisse sont à même d’ouvrir dans l’État étranger des banques (sociétés en propre, ou sièges, succursales ou agences de banque suisses);
b. les banques ainsi ouvertes dans l’État étranger ne sont pas soumises dans leur activité à des dispositions nettement plus restrictives que celles qui sont applicables aux banques étrangères établies en Suisse.»
L’Istitutoper le Opere di Religione, appelé communément la «Banquedu Vatican», aurait l’intention de prendre une participation majoritaire dans une banque4 en Suisse déjà dominée par des intérêts étrangers. La Commission fédérale des banques doit, au sens de l’article 3 ter alinéa 2 LB cité plus haut, accorder une autorisation et examiner en particulier si le Vatican garantit la réciprocité.
Nous avons donné notre avis aux membres de la Commission fédérale des banques à ce propos; certain d’entre eux cependant désire avoir l’opinion de votre service, car le cas présente manifestement un caractère exceptionnel.
Nous vous soumettons, dès lors, notre argumentation:
Le Vatican ne peut pas garantir la réciprocité5, non pas parce que sa législation bancaire (s’il en existe une!) ou que sa pratique bancaire (s’il y a en a une!) interdisent à des banques étrangères de s’installer sur son territoire, c’est à-dire dans ses jardins, mais parce que son statut juridique est exceptionnel6.
Il faut en premier lieu distinguer entre le Saint-Siège (HeiligerStuhl) et la Cité du Vatican (Vatikanstadt).
«L’Églisecatholique romaine – seule parmi les autres communautés religieuses – a obtenu en faveur de son chef suprême la qualité de porteur de droits et devoirs du droit des gens. Cette compétence ne lui a cependant pas été reconnue dans la même mesure qu’aux États souverains. En effet, seules deux règles du droit international, règles susceptibles d’être concrétisées par d’autres normes, s’appliquent au Saint-Siège: celui-ci a la compétence de conclure des traités (appelés concordats) et il a en outre le droit d’envoyer et de recevoir des agents.» (Guggenheim, Traité de droit international public, p. 214–215).
À cela s’ajoute que sous le terme de Saint-Siège, il ne faut pas entendre seulement le Pape, mais tous les organes de l’Églisecatholique qui permettent au Pape d’exercer son activité (congrégations, fonctionnaires, tribunaux, etc.) (voir Strupp-Schlochhauer, Wörterbuch des Völkerrechtes, p. 781).
La Cité du Vatican n’est qu’un accessoire des prérogatives du Saint-Siège: «La Cité du Vatican est l’État créé par le Traité du Latran7 conclu le 11 février 1929 entre l’Italie et le Saint-Siège, qui met à la disposition du Chef de l’Églisecatholique romaine un territoire destiné à lui permettre de former un ordre juridique étatique à ses propres fins. L’Italie a abandonné dans ce but au Saint-Siège une petite partie de son domaine de compétence spatiale, personnelle et matérielle, et lui a reconnu le pouvoir exclusif et la juridiction souveraine sur le Vatican. (…) Il y a union personnelle entre l’organe suprême de l’Églisecatholique romaine et le Chef de l’État de la Cité du Vatican, comme c’était déjà le cas à l’époque des États pontificaux». (Guggenheim op. cit., p. 220–221).
La preuve que la Cité du Vatican ne peut être assimilée à un État au sens propre du terme peut être tirée d’un fait historique. En 18708, le Pape9 a été privé de ses États pontificaux. La notion de territoire, élément essentiel d’un État, a disparu; toutefois, ce fait n’a pas empêché le Saint-Siège de rester un sujet de droit international et de conserver sa pleine capacité juridique.
Dès lors, nous constatons que l’Istitutoper le Opere di Religione ne saurait être considéré comme une banque du Vatican mais bien comme une organisation internationale chargée de gérer les biens de l’Églisecatholique.
Au regard de l’article 3 bis alinéa 1er lettre a LB, nous nous heurtons manifestement à une impossibilité juridique: le Saint-Siège n’est pas un État au sens habituel du droit des gens. Il n’a que certains attributs du droits des gens. Il est, dès lors, impossible d’exiger du Saint-Siège une réciprocité qu’il ne peut juridiquement pas accorder10.
Nous parvenons à la conclusion que la condition prévue à l’article 3 bis alinéa 1er a LB n’est pas applicable et qu’il faut en faire abstraction.
Comme la Commission fédérale des banques siègera le 3 décembre 197411, nous vous serions reconnaissants de nous dire, dans les meilleurs délais, si vous pouvez partager notre avis sur le plan du droit international public12.
- 1
- Lettre: CH-BAR#E2001E-01#1987/78#5363* (C.41.731.0.(1)). Rédigée et signée par B. Junod. Adressée à M. Krafft.↩
- 2
- RS, 10, pp. 325–343.↩
- 3
- Ordonnance sur les banques et les caisses d’épargne du 17 mai 1972, RO, 1972, pp. 832–871.↩
- 4
- Banque de Financement SA «Finabank». Cf. doss. comme note 1.↩
- 5
- Cf. la notice de M. Krafft du 2 décembre 1974, dodis.ch/40037 et la lettre de F. Pometta à J. Zwahlen du 12 décembre 1974, dodis.ch/40036. Cf. aussi doc. 139, dodis.ch/39653.↩
- 6
- Annotation manuscrite dans la marge: ?↩
- 7
- Sur la réaction du Conseil fédéral face aux accords du Latran, cf. DDS, vol. 9, doc. 460, dodis.ch/45477.↩
- 8
- Cf. DDS, vol. 2, doc. 290, dodis.ch/41823.↩
- 10
- Annotation manuscrite dans la marge: ?↩
- 11
- Cf. le procès-verbal des séances de la Commission fédérale des banques des 18 novembre et 3 décembre 1974, CH-BAR#E6520B#1980/39#46* (133). La Commission fédérale des banques ne s’est finalement pas opposée à la reprise de participations à titre transitoire par l’Istitutoper le Opere di Religione.↩
- 12
- Cf. la lettre de L. Rochat à la Commission fédérale des banques du 3 décembre 1974, doss. comme note 1.↩
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