Besprechung zwischen Petitpierre, Nobs und den Vertretern der SBV: Inkraftsetzung des Currie-Abkommens.
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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 16, doc. 9
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
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Dossier title | Zertifizierung schweiz. Vermögenswerte in den USA (1943–1945) | |
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Old classification | CH-BAR E 2001(E)1000/1572 5 | |
Dossier title | Akten nach Abschluss der Verhandlungen. (Vom 12. März bis 31. Dezember 1945) (1945–1945) | |
File reference archive | C.41.111.1 |
dodis.ch/38
Notice du Département politique1
AUDIENCE ACCORDÉE PAR LE CONSEIL FÉDÉRAL AUX REPRÉSENTANTS DE L’ASSOCIATION SUISSE DES BANQUIERS LE MERCREDI 13 JUIN 1945
[...] 2
M. Petitpierre, après avoir salué les assistants, entre d’emblée dans le vif du sujet, à savoir la discussion de l’aide-mémoire adressé au Conseil fédéral par l’ASB3. Il constate que le problème présente trois éléments, à savoir:
A. L’attitude de l’ASB qui consiste à vouloir sauvegarder le secret bancaire4.
B. La volonté du Conseil fédéral qui entend appliquer strictement les engagements pris le 8 mars 19455.
C. Le désir des autorités fiscales de dépister les biens imposables qui auraient été soustraits au fisc.
Il s’agit de chercher à concilier les points de vue. A cet effet, il convient de donner tout d’abord la parole à M. Nobs pour qu’il résume les impressions que lui a fait le rapport6 que M. Pfenninger lui a présenté à son retour des Etats-Unis.
M. Nobs résume comme suit les dires de M. Pfenninger:
a) Les rapports avec les Etats-Unis ne sont pas meilleurs. M. Schmidt7 rentrant de Berne, a été violemment critiqué pour n’avoir pas réussi à imposer le point de vue américain aux autorités suisses.
b) La certification des avoirs suisses doit être opérée dans le plus bref délai de peur que, si l’on attend davantage, l’on ne crée l’impression outre-Atlantique que la Suisse veut gagner du temps et repousser la solution du problème à un moment où les esprits se seront calmés du fait de la cessation des hostilités.
c) Les Américains ne se contenteront pas d’une certification de l’OSC fondée sur des affidavits anonymes. Il convient en effet de mettre la certification en rapport avec la politique américaine à l’égard de la looted property8, politique qui pousse les Etats-Unis à établir avec exactitude quels sont les propriétaires d’avoirs déposés chez eux. A ce propos, M. Pfenninger annonce l’arrivée en Europe de 1500 fonctionnaires américains qui se proposent de dépister les biens spoliés par les Allemands.
d) Les avoirs de la Confédération et de la Banque nationale suisse aux Etats-Unis ne semblent pas être en danger. Tout au plus peut-on s’attendre que le Gouvernement américain fasse certaines objections à quelques achats d’or allemand faits par la Banque nationale9. M. Nobs conclut qu’il ne faut pas perdre de vue que le déblocage de nos avoirs aux Etats-Unis10 dépend de la façon dont sera faite la certification. Il fait allusion au désir de l’OSC de connaître les noms des propriétaires d’avoirs suisses et insiste sur le sérieux du problème, de la solution duquel dépend le sort du gage que constituent nos avoirs dans les mains des Américains.
M. Pictet est d’avis qu’avant d’entrer en matière, il convient de déterminer exactement les engagements pris par la Suisse en date du 8 mars 1945. Après s’être élevé contre l’imprécision des termes utilisés dans l’accord avec les Alliés, M. Pictet constate qu’un seul point est clair, à savoir l’engagement du Conseil fédéral de prévenir le recel en Suisse de biens spoliés. Il faut prendre bien garde dans ce domaine de ne pas aller plus loin qu’il n’est nécessaire. En effet, les Américains cherchent à tirer profit de la situation créée par l’existence probable en Suisse de biens spoliés pour intensifier leur espionnage économique en Suisse. Nous avons à faire à des concurrents d’importance qui cherchent à s’approprier le marché financier suisse pour leur profit. La question qui s’impose aujourd’hui est celle de savoir si le Conseil fédéral est prêt à protéger les banques contre les menées anglo-saxonnes ou s’il entend céder à ces menées. En ce qui concerne l’engagement du Conseil fédéral de se concerter avec les Gouvernements alliés, M. Pictet relève qu’il faut là également que notre Gouvernement sache jusqu’où il veut aller. L’alternative est claire: ou bien se défendre sur le plan économique et aider aux [sic] banques en les soutenant, ou bien renoncer à ce que la Suisse continue d’être un marché financier, ce qui aura des répercussions inévitables sur le financement des dépenses de la Confédération11.
M. Petitpierre répondant au réquisitoire de M. Pictet, constate que le Conseil fédéral n’a pas encore arrêté son attitude à l’égard des demandes présentées par l’ASB. La conférence de ce jour a précisément pour but de permettre un échange de vues sur l’issue duquel M. Nobs et lui-même feront rapport au Conseil fédéral.
Il est faux de vouloir opposer le Conseil fédéral aux banques en ce qui concerne l’application de l’accord du 8 mars. Le Département politique, pour sa part, a toujours soutenu les intérêts des banques suisses et n’entend pas modifier sa ligne de conduite à cet égard. Il faut néanmoins garder à présent à l’esprit le fait que la défense des intérêts des banques s’intègre dans le problème d’ensemble de la défense des intérêts suisses. Aujourd’hui, les intérêts des banques sont menacés. Il convient dès lors d’examiner comment les défendre dans le cadre de la défense des intérêts généraux du pays. Les accords du 8 mars, s’ils ne sont pas parfaits, constituent néanmoins le maximum de ce qu’il était possible d’obtenir à l’époque. Ces accords existent et il n’est plus question de les discuter. Qu’ils soient imprécis ne fait pas de doute; mais exiger plus de précision, c’était se voir imposer la Résolution VI de Bretton Woods12. Passant en revue les clauses de ces accords, M. Petitpierre constate que tout le monde est d’accord pour s’opposer au recel de biens pillés en Suisse. En ce qui concerne l’enquête, l’ACF du 29 mai13 a tranché la question pour les biens allemands. Bien que l’accord du 8 mars prévoie que l’enquête est faite pour nos propres besoins, cela n’exclut pas, toutefois, que les Alliés ne fassent valoir des prétentions à l’égard des biens qu’elle permettra d’individualiser. Nous avons encore de difficiles problèmes à résoudre tel, notamment, celui de la propriété légitime et illégitime des biens recensés, etc.
M. Caflisch ne met pas en doute la nécessité de s’en tenir au principe pacta sunt servanda; désireux toutefois de bien circonscrire le problème, il se propose de passer rapidement en revue l’aide-mémoire de l’ASB pour préciser telle ou telle question qui mériterait de l’être.
a) Recel et disposition de biens pillés.
Sur ce point, il est indispensable d’établir une doctrine. Les banques sont prêtes à collaborer à la recherche des biens spoliés. Elles estiment toutefois qu’elles n’ont pas à le faire de leur propre chef, mais que c’est aux Alliés qu’il incombe de nous signaler les biens spoliés se trouvant en Suisse. Sur la base de leurs informations, des recherches pourront être entreprises. Il faut toutefois avoir présent à l’esprit le fait que cette recherche soulèvera des questions de droit qu’il faut d’ores et déjà étudier. Il convient en effet d’assurer la défense des possesseurs de bonne foi.
b) Enquêtes sur les avoirs bloqués.
Sur ce point, le fait d’admettre des banques des annonces globales a réglé la question. L’essentiel dans ces enquêtes est de ne pas inquiéter la clientèle étrangère de peur qu’elle ne retire les capitaux qu’elle a placés en Suisse.
c) Blocage des avoirs allemands.
L’ASB désirerait obtenir du Conseil fédéral l’assurance que les avoirs allemands seront utilisés avant tout à la sauvegarde des intérêts suisses en Allemagne. Il convient en outre d’établir une doctrine en matière de looted property, doctrine qui règle l’éventuelle restitution des biens pillés à leur légitime propriétaire tout en protégeant les particuliers de bonne foi.
d) Certification des avoirs suisses aux Etats-Unis14.
M. Caflisch constate que le problème est mal posé en général. Il relève en effet que c’est une erreur de croire que l’affidavit des banques ne donne pas les mêmes garanties que l’annonce individuelle des propriétaires suisses de l’OSC. Celui-ci, en effet, en saura toujours moins sur les individus qui s’adressent à lui que les banques elles-mêmes qui connaissent leurs clients de longue date. Le système des affidavits donne au Conseil fédéral les mêmes garanties qu’un contrôle de l’OSC. Il convient en effet de garder présent à l’esprit le fait que le nouveau système des affidavits n’est pas comparable à l’ancien15.
Enfin, la question de la certification telle qu’elle est posée aujourd’hui soulève une question de principe: si la Confédération ne reconnaît pas les affidavits bancaires, il y a tout lieu de penser que les Etats étrangers n’en voudront pas davantage, ce qui reviendrait à détruire complètement l’édifice des conventions-affidavit et compromettre du même coup la défense des propriétaires suisses de titres bénéficiant des affidavits introduits par l’ASB.
e) Question fiscale.
Le fait de demander un certificat d’imposition préalablement à la certification n’intéresse pas directement les banques. Néanmoins, cette exigence soulève des problèmes d’ordre général sur lesquels l’ASB a tenu à attirer l’attention du Conseil fédéral (assistance fiscale internationale; obstacle à la certification de certaines catégories d’avoirs, etc.).
M. Schaefer insiste sur un seul point: celui du secret bancaire. Le fait de donner les noms de la clientèle à l’OSC équivaut à abandonner la discrétion dont les banques suisses ont vécu jusqu’à ce jour. Sacrifier le secret bancaire à l’inquisition anglo-américaine, c’est de l’avis de M. Schaefer, mettre en question l’existence même des banques. Il convient donc que les autorités suisses se persuadent de la chose avant d’arrêter leur politique à l’égard des Puissances alliées.
M. Golay appuie ce point de vue et relève que dans le domaine de la looted property les banques sont prêtes à collaborer de toutes leurs forces. Pour pouvoir subsister, les banques suisses doivent garder la confiance de leur clientèle, confiance qui ne leur est faite que dans la mesure où elles respectent la discrétion qui a fait leur force.
M. Vieli s’étonne d’apprendre que les Américains n’acceptent pas une certification anonyme. Il croyait savoir en effet que le Treasury américain se contentait d’une garantie de la Confédération sans s’inquiéter des bases sur lesquelles elle reposait. S’il est vrai que la situation a changé au point où le dit M. Pfenninger, le problème se présente sous un tout autre jour et nécessite un nouvel examen.
M. Barbey intervient à son tour et résume à grands traits le résultat de son voyage aux Etats-Unis en automne dernier16. Il insiste sur le fait que le Treasury Departement a été impressionné par le système des affidavits appliqués en Suisse, notamment par le fait que ce système a été reconnu par le Gouvernement britannique. Tout ce que le Treasury demande, c’est une garantie de la Confédération, rien de plus. Peu lui chaut les documents sur lesquels repose cette garantie. D’ailleurs, en exigeant les noms, le Gouvernement suisse se discrédite lui-même.
En effet si, après avoir donné sa garantie, la Suisse accepte par la suite – sous l’effet d’une pression point du tout exclue à laquelle il lui sera difficile de se soustraire – de transmettre les noms des clients suisses aux autorités américaines, à quoi sert d’avoir donné une garantie? En outre, le refus par la Suisse de reconnaître le système affidavit équivaut à saper tout respect que les gouvernements étrangers pourraient avoir à l’égard de ce système. Enfin, il ne faut pas oublier que le temps presse et que les Américains désirent que la ségrégation des avoirs suisses soit faite le plus rapidement possible. Le geste fait par le Conseil fédéral en acceptant de donner sa garantie est compromis par le retard apporté à la certification proprement dite. Seul le système des affidavits permet une mise en train rapide, raison pour laquelle M. Barbey conclut dans le sens des propositions de l’ASB.
M. Kohli revient sur les critiques faites par M. Pictet au sujet de l’accord du 8 mars. Il rappelle la pression à laquelle la Délégation a été soumise et constate que les exigences alliées étaient infiniment plus fortes que ne le laisse paraître le texte de l’accord. Enfin il ne faut pas oublier que les banques suisses ont été représentées durant toutes les négociations par M. Nussbaumer, qui a pu faire valoir leur point de vue. M. Kohli cite l’exemple de la Suède qui, elle, a été beaucoup plus loin dans ses concessions que notre pays. En effet, elle a déclaré souscrire à la Résolution VI de Bretton Woods et vient de soumettre deux lois au Parlement suédois qui vont extrêmement loin dans la recherche des biens spoliés. En outre, le Gouvernement suédois est prêt à communiquer aux Alliés le résultat de l’enquête qu’il entreprendra sur les avoirs allemands.
A entendre les banques, on pourrait croire qu’elles se trouvent devant un fait accompli. En réalité, ce n’est nullement le cas. Nous avons en effet eu de nombreuses discussions avec les cercles bancaires avant d’en arriver au point où sont les choses actuellement. Une chose est claire: c’est que par les accords du 8 mars nous avons pris certains engagements qu’il faut à tout prix respecter. S’il y a des divergences d’interprétation quant à la portée de ces engagements, notre devoir consiste à prendre les mesures propres à sauvegarder les intérêts suisses en jeu. D’ailleurs, pendant que se discutaient les problèmes relatifs à la certification, les autorités fédérales ne sont pas restées inactives. Le renforcement du blocage allemand a été introduit le 27 avril17 et l’enquête sur les avoirs allemands a été décidée par arrêté du 29 mai. En ce qui concerne la recherche de la looted property, il faut évidemment faire quelque chose, car c’est là une question de caractère politique avant tout. Nous sommes en train de mettre au point un arrêté du Conseil fédéral sur certaines questions de procédure et préparons également une enquête sur les œuvres d’art entrées en Suisse depuis le 1er septembre 193918. Dans le domaine des enquêtes, un premier pas a été fait, mais il convient de poursuivre nos efforts auxquels les Alliés attachent un grand prix. M. Kohli cite à ce propos le télégramme reçu de Washington qui fait dépendre dans une certaine mesure l’octroi du contingent d’importation de l’organisation des enquêtes promises dans les accords du 8 mars).
Quant à la certification des avoirs suisses aux Etats-Unis, M. Kohli relève qu’il n’en est pas question dans les accords du 8 mars. C’est néanmoins une affaire très importante aux yeux des Américains et il convient dès lors d’y prêter toute notre attention. Après avoir rappelé qu’au début les Américains ont demandé à connaître les noms des clients suisses, M. Kohli conclut en insistant sur la nécessité qu’il y a à agir rapidement pour exploiter la bonne impression faite par la décision du Conseil fédéral d’accorder sa garantie. Si l’ASB ne veut pas collaborer à la certification comme elle l’a laissé entendre, ce sera là une cause de retard considérable, l’OSC n’ayant pas l’organisation voulue pour le moment pour recevoir les annonces individuelles des capitalistes suisses. Il faut dès lors être réaliste et aller au plus pressé. Dans ces conditions, M. Kohli propose que la certification soit opérée sur la base du système affidavit en ce qui concerne les clients individuels des banques. On pourrait peut-être fixer que pour tous les avoirs supérieurs à 100’000 francs, par exemple, les banques devraient donner les noms. Les sociétés, en revanche, devraient être contrôlées par l’OSC lui-même. De cette façon-là, il est possible de se mettre tout de suite à la tâche. Nous pourrons, à l’égard des Américains, déclarer que c’est là un début et prévoir que ceux-ci auront toujours la possibilité de demander les noms quand ils l’estiment nécessaire. En ce qui regarde le certificat d’imposition fiscale, M. Kohli est d’avis qu’il faut en maintenir l’exigence, chaque client de banque étant tenu de le fournir comme pièce justificative à l’appui de l’affidavit.
M. Reinhardt constate que les intérêts généraux de l’Etat et ceux des banques vont en général de pair. C’est le cas encore aujourd’hui. Les accords de Berne en sont un vivant exemple. S’ils entraînent en effet certaines charges pour les banques, ils ont en revanche éclairci l’atmosphère du côté allié, ce qui est également dans l’intérêt de celles-ci. M. Reinhardt est d’avis que la Suisse doit faire tout ce qu’elle peut pour maintenir dans le monde sa bonne renommée. Pour ce faire, il est indispensable qu’elle adopte une attitude sans équivoque à l’égard de la looted property. Sur ce point, d’ailleurs, les banques sont pleinement d’accord et il n’est pas question d’y revenir. En ce qui concerne la certification, M. Reinhardt relève que le système adopté importe en somme assez peu à l’Administration des Finances comme telle. Toutefois, pour être efficace, cette certification doit remplir deux conditions:
a) Il convient que les prétentions fiscales de l’Etat soient sauvegardées. Dès lors, les Finances n’entendent nullement empêcher les gens de certifier leurs avoirs, bien au contraire; mais il conviendrait que ceux qui veulent certifier paient leur tribut à l’Etat comme il se doit. C’est d’ailleurs une question qui revêt également un aspect politique, l’Administration des Finances ne pouvant assumer à l’égard de l’opinion publique la responsabilité de faciliter la certification des fraudeurs.
b) Il faut que les organes qui doivent certifier la propriété suisse pour le compte de la Confédération puissent le faire en sachant absolument ce qu’ils doivent certifier. La garantie de l’OSC n’est pas un simple timbre à poser sur un affidavit, c’est plus que cela. Dès lors, il faut que cet office ait des possibilités de contrôle efficaces sur les personnes dont il certifie les avoirs. C’est pourquoi l’Administration des Finances est d’avis qu’il serait utile que l’OSC connût les noms des clients suisses. Pour M. Reinhardt, c’est plus une question de technique que de principe. Toutefois, la situation actuelle rend nécessaire une décision rapide. C’est pourquoi M. Reinhardt estime pouvoir se rallier aux propositions de M. Kohli qui permettent d’agir vite tout en laissant ouverte la faculté pour l’OSC de contrôler les cas particuliers où il y aura des doutes.
Sur ce point, les banquiers présents ayant été interrogés par M. Petitpierre, sont absolument d’accord de donner tous les renseignements voulus à l’OSC sur simple réquisition de sa part. Pour les banques tout le problème se résume dans la question de savoir si l’OSC voudra bien leur accorder sa confiance.
M. Nobs reprend la parole pour préciser que sa première intervention avait pour unique objet de résumer les opinions de M. Pfenninger qui ne sont pas celles du Chef du Département des Finances. Il rappelle qu’à plusieurs reprises déjà, il n’a pas manqué de rendre attentif le Conseil fédéral au fait que les Américains ne cherchent pas seulement à retrouver la looted property, mais que toute leur politique dans ce domaine est fortement inspirée par Wall-Street, c’est-à-dire par des motifs de concurrence que la Suisse ne doit pas ignorer. Le Conseil fédéral connaît le danger et c’est son devoir de ne pas abandonner les banques, mais au contraire de les soutenir.
En ce qui concerne la certification, M. Nobs est d’avis que la condition sine qua non est que le système joue parfaitement. Il ne faut pas oublier que les Américains, maintenant qu’ils sont en Allemagne, peuvent retracer quantité d’opérations faites durant la guerre et auront des possibilités de contrôle beaucoup plus grandes qu’auparavant. Dès lors il faut que la certification ne profite qu’aux intérêts exclusivement suisses. C’est uniquement par souci d’arriver au système le plus précis possible que l’Administration des Finances a soutenu l’idée qu’il faudrait donner les noms à l’OSC. Ce n’est pas à dire que ces noms doivent être donnés à l’étranger, bien au contraire. Sur ce point il faut être extrêmement prudent et éviter à tout prix de dévoiler plus qu’il n’est nécessaire aux Alliés. M. Nobs, parlant de la proposition de M. Kohli, l’estime très raisonnable et tout à fait dans la ligne du Conseil fédéral qui cherche à réduire les dépenses. Cela étant, il serait pour le moins fâcheux que la certification entraînât une forte augmentation du nombre d’employés de l’OSC. Après ces remarques, M. Nobs lit aux assistants la lettre que M. Schwab a adressée le 28 avril au Département politique19, lettre dans laquelle il décline toute responsabilité quant à la certification s’il n’a pas satisfaction sur la question des noms. M. Nobs estime les arguments de M. Schwab extrêmement pertinents et se demande si l’on ne pourrait pas trouver une solution en organisant l’OSC de façon que seuls 1 ou 2 directeurs soient à même de connaître les noms des clients suisses voulant bénéficier de la certification.
M. Nobs conclut en traçant un tableau de la situation de la Suisse, dont l’intérêt consiste à s’appuyer sur les grandes démocraties britannique et américaine, intérêt qui l’oblige dès lors à entretenir avec celles-ci les meilleures relations.
M. Pictet intervient avec une certaine véhémence dans le débat et reproche à M. Nobs de rester dans la théorie. A son avis, si l’on suit la tactique préconisée par l’OSC, on ne fera qu’indisposer les banques qui se cantonneront alors dans le mutisme le plus absolu. On en arrivera alors à la situation qui prévaut actuellement en France, où 30% seulement des capitalistes ont déclaré leurs avoirs étrangers. 70% sont restés muets et la conséquence en sera que la France perdra 70% de ses avoirs aux Etats-Unis qui, faute d’être identifiés, seront probablement saisis par les autorités américaines. Veut-on en arriver là en Suisse? En outre, M. Pictet s’élève contre l’idée de donner les noms des gros clients qui sont par définition les meilleurs. C’est à ceux-là que les banques tiennent. M. Pictet relève que l’OSC a tout ce qu’il désire, puisque les banques ne se sont jamais refusées à donner tous les renseignements qui leur sont demandés.
M. Golay relève que tout le good will des banques est en jeu. A son avis, il y a un monde entre le principe qui consiste à ne pas donner les noms et la possibilité donnée à l’OSC de s’assurer de l’exactitude des renseignements qui sont fournis par les banques. Rien n’empêche d’ailleurs l’OSC de se fixer une ligne de conduite d’après laquelle il interviendrait d’office pour demander des renseignements à l’égard des gros postes (que l’on pourrait fixer à 100’000 dollars) et ferait des sondages dans les autres cas.
M. Caflisch conclut la séance en remerciant le Conseil fédéral d’avoir bien voulu recevoir les délégués de l’ASB. Il termine en insistant encore sur la nécessité qu’il y a à ce que l’OSC veuille bien faire confiance aux banques dont l’esprit de collaboration ne saurait être mis en doute20.
- 1
- E 2001 (E) 2/557. Cette notice, non datée, est rédigée et signée par E. Junod. Une copie se trouve dans E 2001 (E) 2/642.Lors de cette audience, le Conseiller fédéral Petitpierre a pris des notes manuscrites qui se trouvent dans E 2800/1967/61/88.Une notice a également été rédigée par E. Reinhardt, cf. E 6100 (A) 33/2764.↩
- 2
- Les personnalités présentes à cette séance sont les Conseillers fédéraux M. Petitpierre et E. Nobs, les représentants de l’ASB: A. Pictet, E. Barbey, A. Schaefer, M. Golay, P. Vieli et A. Caflisch; le Directeur de l’Administration des Finances du DFD: E. Reinhardt; et trois représentants du DPF: R. Kohli, W. Reichenau et E. Junod.↩
- 3
- Il s’agit de l’aide-mémoire du 30 mai 1945, E 2001 (E) 2/557.Lors de la séance du Conseil fédéral du 29 mai 1945, le Chef du Département politique communique que l’Association suisse des Banquiers demande à être reçue en audience par une Délégation du Conseil fédéral aux fins de discuter de l’interprétation à donner aux clauses financières des accords conclus avec les Alliés. Il est décidé de donner suite à cette requête et de désigner comme délégués les Chefs du Département politique et du Département des Finances et des Douanes, cf. PVCF No 1150 du 29 mai 1945, E 1004.1 1/457.Cf. aussi la lettre de M. Petitpierre à W. Stämpfli du 11 juin 1945, dodis.ch/172 et E 7001 (B) 1/346.↩
- 4
- Le secret bancaire est garanti par la loi fédérale sur les Banques et les Caisses d’Epargne (du 8 novembre 1934), en particulier par l’article 47, cf. RO, 1935, vol. 51, pp. 121-172, dodis.ch/2095. Sur les débats autour du secret bancaire en 1945 et 1946, cf. notamment E 2001 (E) 2/563 et E 6100 (A) 24/2180-2181.↩
- 5
- Cf. DDS, vol. 15, doc. 391, dodis.ch/47995 et la table méthodique: II.2.3. Négociations économiques avec les Alliés à Berne en février et mars 1945.↩
- 6
- Cf. la notice du 13 juin 1945, E 2001 (E) 2 /577 et E 2801/1967/77/2.↩
- 7
- Il s’agit d’O. A. Schmidt. Cf. DDS, vol. 15, p. 1181.↩
- 8
- A ce sujet, cf. le rapport du 14 février 1945 de la SCIPE du DPF sur la politique alliée à l’égard des biens réputés pillés (looted property). Ce rapport rappelle les différentes mesures à ce sujet prises en Suisse par les associations professionnelles (en particulier les conventions-affidavits de l’ASB) et par les autorités fédérales et arrive à la conclusion que […]si bon nombre de mesures utiles ont déjà été prises pour empêcher que la Suisse devienne le refuge des richesses que l’Axe aurait amassées dans ses années de gloire, tout ce qui serait humainement possible d’entreprendre pour l’éviter n’a pas été fait et ne peut être fait aussi longtemps au moins que la Suisse reste fidèle aux principes du libéralisme économique et financier. Jusqu’ici c’est le souci de sauvegarder les intérêts suisses en jeu qui a guidé les auteurs des mesures que l’on sait; il ne peut en être autrement de la part d’un pays neutre. Cf. E 7800/1/66, cf. aussi E 2001 (E) 1967/113/437-439 et 444.↩
- 10
- Sur le blocage des avoirs suisses aux Etats-Unis depuis juin 1941, cf. DDS, vol. 14 et 15.↩
- 11
- Cf. le Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant une nouvelle prorogation du programme financier 1939-1941 (du 7 septembre 1945) et le Message du 12 septembre 1945 sur l’émission d’emprunts pour l’administration fédérale, FF, 1945, vol. 97, II, pp. 23-42. Les dépenses provoquées par la guerre ayant été largement financées par des emprunts, la dette consolidée de la Confédération est passée de 2173,5 millions au 31 juillet 1939 à 7061,7 millions au 31 juillet 1945. En outre, la Confédération avait contracté au 31 juillet 1945 des dettes contre rescriptions auprès de banques pour un montant de 964 millions de francs environ, alors qu’il n’existait aucun engagement de cette nature au 31 juillet 1939, ibid. p. 38.↩
- 12
- Sur les réactions des autorités suisses aux décisions de la conférence monétaire de Bretton Woods, cf. DDS, vol. 15, No. 144, dodis.ch/47748, en particulier l’annexe III.↩
- 13
- Selon les accords (dits «accords Currie») conclus le 8 mars 1945 par le Conseil fédéral, celui-ci s’engage à faire faire une enquête recensant l’ensemble des avoirs allemands situés en Suisse ou gérés par l’intermédiaire de la Suisse. Cet engagement est concrétisé par la promulgation le 29 mai 1945 de l’Arrêté du Conseil fédéral instituant l’obligation de déclarer les avoirs allemands en Suisse, cf. RO, 1945, vol. 61, p. 325-328. Sur la préparation de cette décision, cf. E 2001 (E) 2/565.Sur les résultats de l’enquête, effectuée par l’OSC, cf. E 2801/1967/77/9.↩
- 14
- Cf. DDS, vol. 15, doc. 371, dodis.ch/47975.↩
- 15
- Négociée dès 1942 avec la Grande-Bretagne, la Convention-affidavits GB de l’ASB est entrée en vigueur le 21 juin 1943, cf. E 2001 (D) 2/253 et 255; E 2001 (E) 2/258, 560-562, 628; E 2001 (E) 1968/113/453 et 459; aussi DDS, vol. 14, Table méthodique: 2.10.1. Négociations économiques et financières à Londres.↩
- 16
- Cf. DDS, vol. 15, doc. 313, dodis.ch/47917.↩
- 17
- Il s’agit de l’Arrêté du Conseil fédéral modifiant et complétant l’arrêté du Conseil fédéral[du 16 février 1945]instituant des mesures provisoires pour le règlement des paiements entre la Suisse et l’Allemagne, RO, 1945, pp. 261-265.↩
- 18
- Cf. E 2001 (E) 1967/113/437-438.↩
- 19
- E 2001 (E) 2/564.↩
- 20
- Sur les suites de cette question, cf. E 2001 (E) 1967/113/437.↩
Relations to other documents
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