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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 22, doc. 60
volume linkZürich/Locarno/Genève 2009
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2804#1971/2#446* | |
Old classification | CH-BAR E 2804(-)1971/2 73 | |
Dossier title | Besuche von Persönlichkeiten (1960–1965) | |
File reference archive | 170.5 |
dodis.ch/30509 Le Secrétaire général du Département politique, P. Micheli, au Chef du Département politique, F. T. Wahlen1
Visite de courtoisie de M. Rapacki, Ministre des Affaires étrangères de Pologne, le 30 mars 1962
M. Rapacki, de passage à Berne, fait une visite de courtoisie à M. le Conseiller fédéral Wahlen, Chef du Département politique fédéral. Il est accompagné de M. Koszutski, Ambassadeur de Pologne à Berne. Ci-après un compte-rendu de l’entretien:
M. Wahlen demande à M. Rapacki quels sont les résultats de la conférence de Genève.
M. Rapacki est satisfait de l’atmosphère ainsi que des possibilités, mais pas des progrès réalisés.
Afin d’arriver à un désarmement complet, il faut procéder par étapes. Pour la Pologne, la première étape devrait consister à éliminer la possibilité d’une attaque par surprise. Une fois ce résultat obtenu, les autres problèmes seront plus faciles.
Actuellement, on en est au préambule. Les principes en ont déjà été discutés entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis. A cet égard, il y a donc une certaine entente. Mais ensuite vient la première étape où subsistent de profondes divergences.
Les problèmes principaux en discussion sont: la non-dissémination de l’arme atomique, la possibilité de conclure un pacte de non-agression, la création de zones comprise dans un sens large, les essais nucléaires. A l’égard des essais, M. Rapacki relève qu’il ne peut plus y avoir d’essais secrets. Une discussion à ce sujet se poursuit donc dans l’abstrait. Pour arriver à une interdiction des essais, les pays neutres peuvent jouer un rôle considérable.
M. Wahlen parle de notre prochaine votation fédérale sur l’armement atomique2. Il précise que le Conseil fédéral n’a pas pris position sur l’armement atomique lui-même3. Mais il ne voudrait pas avoir les mains liées pour l’avenir.
M. Rapacki: Il s’agit là d’un problème interne qu’il ne veut pas discuter. Plusieurs pays, dont la Pologne, considèrent comme un devoir d’éloigner le danger atomique. Ils ne voudraient pas être entravés par des décisions de pays neutres.
M. Wahlen explique notre position par rapport au plan Undén4.
M. Rapacki croit que le plan Undén peut avoir un grand écho dans d’autres pays. Il parle de son plan à lui (plan Rapacki)5. Il rappelle que, lorsqu’il l’a présenté la première fois, on lui avait objecté qu’il aurait une trop grande importance militaire; aujourd’hui, on lui objecte que le plan n’a plus d’importance militaire à cause des missiles. En réalité, la Pologne n’avait pas eu dans l’idée le point de vue militaire. Elle voulait, sans changer le rapport des forces, tenter de limiter les possibilités de déclencher la guerre dans certaines zones. En d’autres termes, elle voulait éliminer le danger d’une attaque par surprise qui est la cause principale de la méfiance régnant aujourd’hui entre les deux blocs. Le problème du contrôle serait aussi plus facile si le danger d’une attaque par surprise était éliminé. En ce qui concerne les autres problèmes (Berlin, Laos, etc.), il est également difficile de les discuter utilement tant qu’il y aura menace. C’est l’aspect militaire qui rend tout difficile.
M. Rapacki relève que pour l’Allemagne et Berlin les Ministres des Af faires étrangères de l’Union Soviétique6 et des Etats-Unis ont déclaré avant de se séparer qu’ils n’étaient pas encore contents. Pour M. Rapacki il y a donc de l’espoir, sinon les Ministres n’auraient pas dit «encore».
M. Rapacki résume ainsi son opinion sur la conférence: s’il n’y a pas progrès, du moins les oppositions ne sont pas incompatibles et l’atmosphère est meilleure qu’on ne pouvait le penser d’avance.
La Pologne n’a pas abandonné l’espoir éveillé par la venue au pouvoir de Kennedy.
M. Wahlen interroge M. Rapacki sur les absents: La France et la Chine.
M. Rapacki: La France devrait participer à la conférence de Genève. Si elle est absente, c’est par sa propre volonté. M. Rapacki espère qu’elle se rallierait néanmoins à un éventuel accord sur l’arrêt des expériences nucléaires7. Quant à la Chine, la situation est différente. Elle n’est pas membre de la conférence. M. Rapacki espère qu’il y aura l’occasion de parler ultérieurement avec la Chine.
M. Wahlen fait remarquer que le problème américano-chinois est très complexe. Entre les deux pays il y a une vieille amitié qui s’est transformée en déception.
M. Rapacki: Les Etats-Unis ont perdu des chances en Chine comme à Cuba. Peut-être avec Cuba ces chances n’ont pas encore entièrement disparu; mais il n’y a actuellement pas de signe que l’on s’engage dans une voie d’entente. M. Kennedy avait reconnu que les progrès du communisme en Afrique du Sud devaient être attribués à des causes internes et donc pas à Cuba. M. Kennedy a pourtant des idées claires et voit loin; mais il se heurte toujours contre des obstacles.
M. Wahlen: Qu’en est-il d’une conférence au sommet?
M. Rapacki désire une telle rencontre. Avant qu’elle ne puisse avoir lieu, il y a encore beaucoup de divergences à éliminer.
M. Rapacki aborde le sujet du Marché commun et demande quelle est notre position à son égard8.
M. Wahlen explique que le problème de nos relations avec le Marché commun est très important, car la Suisse est en fait intégrée déjà plus qu’aucun autre pays européen. Elle doit donc trouver une solution avec la Communauté de Bruxelles. Mais cette solution doit laisser intactes notre indépendance et notre neutralité.
M. Rapacki demande si une association avec le Marché commun ne donnerait pas pour la Suisse des problèmes d’ordre constitutionnel.
M. Wahlen répond qu’il n’est pas question pour la Suisse d’abandonner son régime de démocratie directe auquel elle tient.
M. Rapacki se déclare être un partisan du système du référendum qu’il aurait voulu introduire en Pologne pour certaines questions. Il évoque les problèmes économiques considérables que pose le Marché commun à la Pologne dont les produits agricoles, principalement les produits d’élevage, sont surtout exportés en Europe occidentale. La Pologne importe du blé, transforme ce blé en produits d’élevage et exporte ceux-ci. La petite propriété est dominante en Pologne, et pour la petite propriété l’élevage est indispensable. Si les exportations vers le Marché commun diminuaient, la structure agricole même de la Pologne devrait être changée. Or, le gouvernement polonais voudrait éviter, pour le moment, la modification de cette structure. Peut-être qu’à certains égards elle est arriérée, mais le moment n’est pas venu de la transformer. Les autorités polonaises n’ont jamais songé, jusqu’à maintenant, à la collectivisation.
M. Wahlen explique notre système de salaires paritaires. Il demande si le COMECON n’ouvrira pas de nouveaux débouchés à la Pologne.
M. Rapacki: Une réorientation des exportations vers les pays de l’Est supposerait une plus forte industrialisation de ces pays. Le marché mondial se diviserait alors en deux marchés autarciques: l’un capitaliste et l’autre socialiste. La Pologne ne pense pas qu’une telle division serait souhaitable.
Le Marché commun pose également à la Pologne des problèmes dans le secteur industriel où certaines branches n’avaient pas été développées parce que l’on comptait sur les exportations de l’Europe occidentale.
M. Wahlen demande si la Pologne songe à des accords commerciaux avec le Marché commun.
M. Rapacki demeure évasif sur ce point.
L’entretien se termine par des remerciements de la part de M. Rapacki pour l’hospitalité suisse.
- 1
- Notice: E 2804(-)1971/2/73. Paraphe: MC. Cette notice est rédigée par P. Micheli.↩
- 2
- Votation fédérale du 1er avril 1962 sur l’initiative populaire pour l’interdiction des armes atomiques. Celle-ci est rejetée.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 22, doc. 167. A ce sujet, voir aussi la proposition de L. von Moos au Conseil fédéral du 2 novembre 1962 (dodis.ch/30621), le rapport Möglichkeiten einer eigenen Atomwaffen-Produktion du 15 novembre 1963 (dodis.ch/30592), le procès-verbal Protokoll der Sitzung der Militärdelegation des Bundesrates, Donnerstag, den 28. November 1963, 15.00 Uhr, im Präsidentenzimmer des Nationalrates du 19 décembre 1963 (dodis.ch/30493).↩
- 4
- Plan du Ministre suédois des Affaires étrangères suédois, Ö. Undén, qui propose une interdiction de fabrication, d’acquisition et d’entreposage d’armes nucléaires pour les États qui ne possèdent pas de telles armes («non-nuclear club»). A ce sujet et sur la position des autorités fédérales, cf. la notice de Micheli du 20 mars 1962 (dodis.ch/30682).↩
- 5
- A ce sujet, cf. DDS, vol. 20, doc. 148, dodis.ch/12154(dodis.ch/12154).↩
- 7
- Sur cette question, cf. Nos 162, 165, 166, 167 et 169 dans le présent volume.↩
- 8
- Cf. table méthodique: Intégration européenne.↩
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