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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 125
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#1101* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 472 | |
Dossier title | Tunis, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 4 (1961–1965) |
dodis.ch/15813 Le Chargé d’Affaires a. i. de Suisse à Tunis, L. Guillaume, à la Division des Affaires politiques du Département politique1 Quelques aspects des relations entre la Suisse et la Tunisie
Le séjour privé que passe actuellement en Suisse le Président Bourguiba et les occasions de contacts personnels qu’une telle circonstance semblent offrir, m’amènent à rappeler certains aspects des relations que nous entretenons avec la Tunisie en passant sous revue quelques questions en suspens.
Comme vous le savez, le Gouvernement tunisien, ses autorités et la population de ce pays manifestent généralement à l’endroit de la Suisse une sympathie très nettement marquée. Les Tunisiens admirent nos institutions démocratiques, notre pondération, notre volonté de rester à l’écart des grands conflits internationaux et sont prêts à nous témoigner leur amitié. Ils voudraient
être payés de retour avec plus de spontanéité de notre part. Cependant, leur mentalité à la fois d’adultes, d’adolescents et parfois même de grands enfants, en font des partenaires souvent déconcertants.
Pour les comprendre, et surtout pour maintenir le dialogue et les amener à partager nos vues lorsque nos intérêts sont en cause, il faut une patience presque sans limites. Toute réaction quelque peu violente, ou simplement pressante, les conduit à se dérober, à se rendre inconsistants. Comme me le disait l’Ambassadeur d’Italie2, qui est arrivé à force de ténacité à certains résultats en faveur de l’importante colonie de son pays en Tunisie, l’excessive susceptibilité des Tunisiens leur fait vite perdre de vue le fond des problèmes.
Il faut prendre les choses avec une patience à toute épreuve, au risque même de paraître ridicule aux yeux de son propre Gouvernement – ajoutait encore ce diplomate non sans un sourire un peu amer
Ce qu’il importe avant tout, c’est de maintenir un climat de confiance et de compréhension, et cela à partir de relations directes, personnelles et humaines.
C’est en cherchant à créer et à entretenir une telle ambiance que les rapports entre nos deux pays ont évolué tout au long de ces dernières années.
Ceux-ci ont suivi des fluctuations au gré surtout des difficultés éprouvées par la Tunisie dans ses relations avec l’ancienne Métropole. En ce moment, nous pouvons qualifier nos propres rapports comme généralement bons et même confiants.
Pour la première fois depuis 1952 (hormis les années 1953 et 1954 où les chiffres s’équilibraient), on enregistre plus d’arrivées que de départs dans la colonie suisse. Celle-ci a tendance à changer peu à peu de physionomie.
Bon nombre d’anciens résidents sont partis, tandis que des experts, des techniciens, viennent assurer la relève.
D’une statistique récente, il ressort que 29 experts suisses travaillent à des titres divers à l’édification de la nouvelle République. Une vingtaine de jeunes enseignants y ont trouvé un champ d’expérience profitable à leur formation, avant de reprendre au pays le fil de leur carrière. Dix-sept personnes sont occupées dans la branche hôtelière, dont six à sept directeurs d’hôtels. Dans l’ensemble, on peut dire que les Tunisiens ne montrent pas d’esprit tracassier à l’encontre des nouveaux arrivés; certains d’entre eux ont même trouvé un emploi en dépit d’antécédents parfois peu recommandables.
Sur le plan économique cependant, on pourrait faire davantage. En premier lieu, il conviendrait de renouveler les accords commerciaux. Comme vous le savez, cette question est restée pratiquement irrésolue depuis le mois de mai 1960, époque à laquelle une délégation suisse était venue tenter de mettre un accord sur pied3. Les Tunisiens nous avaient demandé d’accepter un contingent de vin, au même titre que nous l’accordons pour d’autres pays.
Vu la situation difficile dans le domaine vinicole suisse, les autorités fédérales n’ont pas été en mesure d’accéder à cette requête. Même attitude négative de notre part en ce qui concerne l’ouverture d’un pavillon suisse à la Foire internationale de Tunis, ce qui a malheureusement amené nos partenaires tunisiens à adopter une position peu compatible avec des engagements qu’ils avaient pourtant formellement souscrits à propos de l’octroi d’un contingent «foire» pour les importateurs de produits de notre industrie, qui avaient assumé la peine et les frais d’un stand particulier. En liaison avec la question du renouvellement de l’accord commercial, se pose également le problème des relations financières. A ce sujet, il y a lieu de mentionner les difficultés rencontrées notamment dans le transfert des cotisations au
Fonds de Solidarité.
Signalons encore que dans le domaine des visas, les autorités suisses ont de même opposé un refus à la demande tunisienne de supprimer le visa consulaire en faveur des ressortissants de ce pays. Ne pouvant pas celer leur dépit, les Tunisiens introduisirent assez brutalement un contrôle intransigeant à la frontière à la veille de Noël, contrôle qui fut momentanément interrompu sur demande de la Légation, mais reprit après les fêtes de fin d’année; actuellement, il a tendance à se faire plus souple. Au reste, de conversations engagées avec les autorités tunisiennes à propos de ces visas, il ressort de plus en plus que celles-ci désireraient obtenir des facilités principalement pour en faire bénéficier les Algériens, à qui elles délivrent des passeports tunisiens en nombre malheureusement croissant semble-t-il depuis ces derniers mois.
Dans d’autres domaines, les autorités tunisiennes ont montré apparemment plus de compréhension. Il s’agit notamment de l’autorisation donnée à l’Union Suisse, dont la fondation remonte à l’année 1918 et qui groupe nos compatriotes en une société de secours mutuel. Toutes les associations étrangères, en effet, devaient obtenir une autorisation en vue de continuer leur activité. Une telle autorisation a été provisoirement accordée en faveur de cette Société Suisse, et des assurances données qu’elle le sera bientôt définitivement.
Je ne voudrais pas omettre de citer encore quelques questions mineures touchant aux facilités douanières à l’intention des membres des missions étrangères et qui souffrent de certaines lenteurs. Le Secrétariat d’Etat aux
Affaires étrangères examine en ce moment le problème dans son ensemble, cela à la suite de démarches tant du Doyen du Corps diplomatique que des
Représentations intéressées.
En dépit de ces quelques difficultés, nous cherchons à montrer avec une inlassable patience aux Tunisiens notre volonté d’entraide dans les secteurs de l’activité nationale où nous avons le sentiment d’apporter une contribution modeste, mais si possible efficace. C’est ainsi que dans le tourisme, le Département politique – comme vous le savez – a accordé des bourses permettant à des jeunes Tunisiens de se perfectionner professionnellement dans ce domaine4. Les autorités fédérales ont marqué aussi leur intérêt à l’endroit du secteur laitier. Un jeune expert de l’Ecole polytechnique est actuellement sur place afin d’examiner la possibilité de coordonner les efforts des autorités du pays à l’effet d’améliorer le ramassage et l’utilisation rationnelle du lait dans la région du Gouvernorat du Kef. D’autre part, deux jeunes agriculteurs tunisiens se trouvent présentement en stage en Suisse, dont notamment à l’Ecole d’agriculture de Neuchâtel. (L’un d’eux est le frère du Chargé d’affaires de
Des efforts ont été entrepris dans le domaine de l’aide à l’enfance et aux réfugiés algériens sur territoire tunisien, sous forme de contributions en espèces et en nature. Récemment furent inaugurés deux centres destinés à faciliter la distribution de vivres aux réfugiés algériens, centres devant ensuite revenir à la population tunisienne comme dispensaire ou école.
Actuellement sont engagés des pourparlers avec le Vestiaire national tunisien, dont la Présidente est Mme Saïda Sassi, nièce du Président Bourguiba, en vue d’équiper des ateliers avec des machines à tricoter suisses destinées à la fois à donner du travail à des jeunes femmes tunisiennes et à distribuer le produit de cette fabrication à l’enfance déshéritée.
L’Aidesuisse à des régions extra-européennes (ASRE) a créé un centre de formation professionnelle à Haffouz pour les «enfants de Bourguiba».
Ces divers gestes de la Suisse en faveur de la Tunisie illustrent bien nos efforts constants, à l’effet de venir en aide à ce jeune pays en voie de développement. Il est hors de doute que si les relations amicales, dont on peut certes se féliciter de part et d’autre, devaient être mises en forme dans un traité d’amitié, nous pourrions nous réserver des perspectives avantageuses pour nos importations, pour l’établissement des membres de la colonie et pour la réalisation de notre politique de solidarité envers les Etats africains nouvellement devenus indépendants.
- 1
- Lettre politique: E 2300(-)1000/716/472.↩
- 2
- Il s’agit d’A.M. Mazio.↩
- 3
- Cf. PVCF No 689 du 25 avril 1960, E 1004.1(-)1000/9/636 (dodis.ch/15862).↩
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