dodis.ch/14680 L’Ambassadeur de Suisse à
Belgrade,
A. Ganz, au Secrétaire général du Département politique, R.
Kohli1
J’ai pris connaissance avec un vif intérêt de votre lettre du 14 de ce mois2 ainsi que des copies de votre échange de correspondance avec la Police fédérale des étrangers et l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail au sujet de l’engagement éventuel de main-d’œuvre yougoslave saisonnière dans notre pays3. Je vous sais particulièrement gré d’avoir, avec toute la netteté souhaitable, remis les choses au point vis-à-vis de la Police fédérale des étrangers
(au sujet du dernier paragraphe de la lettre que vous a adressée le 20 janvier
1961 cette dernière administration4). En ce qui a trait à l’intention manifestée par les autorités yougoslaves de régler dans le cadre d’un accord en bonne et due forme les diverses questions concernant les modalités d’engagement, les conditions de séjour, etc. de la main-d’œuvre yougoslave en Suisse, j’ajouterai qu’il s’agit là d’une pratique courante de leur part.
Conformément à vos instructions5, je m’abstiendrai donc de toute nouvelle initiative dans ce domaine, sauf à vous tenir informé des démarches dont je pourrais être l’objet de la part de maisons suisses désireuses de se procurer une main-d’œuvre yougoslave. Je veillerai également sur l’activité déployée dans ce domaine par certaines missions diplomatiques et consulaires occidentales, désireuses de procurer aux industries de leurs pays une main-d’œuvre yougoslave, principalement slovène, qualifiée et relativement disponible. Les
Allemands de l’Ouest, bien que n’entretenant pas de relations diplomatiques avec la Yougoslavie, se montrent, paraît-il, particulièrement actifs dans leurs recherches.
Je dois vous dire par ailleurs que je ne partage pas entièrement l’optimisme dont vous faites montre dans votre lettre du 14 février à la Division de Police6.
Si les réformes économiques entreprises actuellement en Yougoslavie doivent un jour provoquer une pléthore de main-d’œuvre, il ne saurait s’agir de la main-d’œuvre qualifiée, susceptible d’être engagée temporairement en Suisse.
Au contraire, l’industrialisation poussée du pays rendra cette main-d’œuvre de plus en plus rare. Le trop plein que le nouveau fonctionnement de l’économie va déverser sur le marché sera essentiellement constitué par des travailleurs peu qualifiés, des manœuvres, des agents mal notés ou inaptes. De cette maind’œuvre sous-qualifiée, je ne pense pas que l’industrie suisse puisse jamais tirer le moindre profit. Ceci étant, il est à craindre que les conditions auxquelles il serait possible, d’ici quelque temps, de conclure l’accord intergouvernemental souhaité par les Yougoslaves ne soient rendues plus rigoureuses que celles qui nous seraient offertes aujourd’hui.