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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 146
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1990/106#122* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 20 | |
Dossier title | Etats-Unis d'Amérique : Leland Harrison, John Carter Vincent, Richard Cunningham Patterson, Frances Elizabeth Willis, Henry J. Taylor, Reams (1945–1960) | |
File reference archive | 342.20 |
dodis.ch/12294 Notice du Département politique1 RÉSUMÉ DE L’ENTRETIEN DU MARDI, 22 JANVIER 1958, ENTRE M. MAX PETITPIERRE, CHEF DU DÉPARTEMENT POLITIQUE, ET M. TAYLOR, AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE EN SUISSE
L’objet principal de la visite de l’Ambassadeur au chef du Département est la remise à celui-ci de la copie de la note officielle2 que le Président Eisenhower vient d’adresser au Maréchal Bulganin pour répondre à ses récentes propositions3. M. Taylor ne commente pas cette note, mais déclare simplement qu’elle a été rédigée après mûre réflexion et que son contenu a été, en général, bien accueilli aux Etats-Unis. M. Petitpierre en convient. Il en a déjà lu avec intérêt des extraits dans la presse et ne manquera pas, maintenant, d’en examiner le texte intégral de manière approfondie.
L’Ambassadeur pose ensuite un certain nombre de questions. Il désirerait, en particulier, connaître l’avis du chef du Département sur la politique suivie par les Etats-Unis vis-à-vis de ses alliés, de la Russie et des pays sousdéveloppés.
M. Petitpierre, très ouvertement, exprime l’opinion que, si les Etats-Unis poursuivent à l’égard de leurs alliés une politique que, pour sa part, il approuve et considère comme constructive, malgré les difficultés qu’il y a à concilier les intérêts de quinze pays et d’harmoniser ceux-ci avec ceux d’autres régions du monde, ils n’ont, en revanche, pas toujours montré toute la psychologie nécessaire à l’égard des pays sous-développés, ni suivi une ligne bien tracée. Or, de l’avis du chef du Département, le problème des pays sous-développés est fondamental et même le plus important qui soit à l’heure actuelle. Il dépasse, en raison de ses répercussions possibles, celui qui est posé par l’intégration économique européenne4. Il y a donc, sur ce point, une lacune dans la politique américaine, à laquelle il serait opportun de remédier, malgré les difficultés que cela comporte. L’URSS, probablement parce qu’il y a plus de ressemblance entre son peuple et celui d’un grand nombre de pays sousdéveloppés, semble avoir mieux compris les problèmes de ces pays. Aussi s’estelle acquis, dans ce secteur, un certain avantage, voire un certain prestige, qui provient d’une politique plus réaliste.
M. Taylor acquiesce et demande ensuite au chef du Département quelles sont ses vues sur la récente conférence du NATO5. M. Petitpierre déclare qu’avant cette conférence il était plutôt sceptique sur son résultat, étant donné les raisons de sa convocation. Cependant, aussi bien au cours de cette réunion qu’après la conférence, il a changé d’opinion, se rendant compte que la présence du Président Eisenhower, son rayonnement et sa manière très humaine de prendre contact avec tous les chefs de gouvernements présents, avaient contribué à créer une atmosphère de confiance. Ainsi, un travail utile a pu être accompli et les liens des pays du NATO ont certainement été réaffermis, l’organisation recevant, pour sa part, une nouvelle impulsion.
M. Taylor donne ensuite certaines informations sur M. George Kennan, ancien collaborateur du Département d’Etat et ancien Ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, dont les récents discours6 ont provoqué l’ire du Président Eisenhower et de M. Dulles. Il s’agit d’un homme instable et émotif, bien que brillant, sur lequel il n’est pas possible de compter véritablement. Heureusement, le Parti démocratique américain l’a entièrement désavoué par la voix de l’ancien Secrétaire d’Etat, Dean Acheson, dont l’attitude a été très courageuse, car il aurait pu se servir des déclarations de George Kennan à des fins politiques. Malgré les propositions de Kennan, le Gouvernement américain reste entièrement décidé à poursuivre une politique de force en Europe occidentale, tout en n’écartant pas la possibilité de négocier avec les Soviets. M. Taylor est cependant conscient du fait que les déclarations de M. Kennan ont eu un certain retentissement dans divers milieux européens. Il le déplore.
M. Taylor mentionne encore qu’en période de crise, sa présence dans un pays neutre l’a parfois empêché de contribuer autant qu’il le voudrait à apporter son aide, si petite soit-elle, à la solution des problèmes existants. Il désirerait dès lors beaucoup, au moment où se produisent des événements d’une certaine gravité, être en mesure de renseigner rapidement son gouvernement sur l’attitude que la Suisse aurait l’intention de prendre en présence d’une situation donnée et sur la ligne de conduite qu’elle se proposerait d’adopter. M. Petitpierre répond qu’il se rend très bien compte de la position particulière dans laquelle se trouve l’Ambassadeur à ces moments-là et se déclare disposé à le renseigner à l’avenir, dans la mesure qu’il jugera adéquate, sur la position que la Suisse prendrait en cas de crise. Il est cependant bien entendu qu’il ne peut rien lui promettre d’avance et que, d’autre part, il ne pourrait lui communiquer ces informations qu’à condition qu’aucune influence ne soit exercée sur lui, à cette occasion, sur l’attitude que la Suisse devrait prendre dans une circonstance déterminée. M. Taylor remercie chaleureusement le chef du Département de sa compréhension. Il ne manquera pas de faire usage de l’offre que vient de lui faire le chef du Département et, après un échange de paroles aimables, il prend congé.
- 1
- E 2800(-)1990/106/20. Paraphe: TU. Cette notice a été rédigée et signée par B. Turrettini.↩
- 2
- Cf. la note de D. D. Eisenhower à N. A. Boulganine du 18 janvier 1958, E 2001(E)1972/33/ 367.↩
- 3
- l’Union soviétique a adressé le 10 décembre 1957 et le 9 janvier 1958 aux pays membres de l’OTAN et des Nations Unies des notes, demandant la convocation d’une conférence au sommet, la suspension des essais nucléaires, la renonciation à l’emploi des armes nucléaires, la création d’une zone dénucléarisée en Europe et la signature d’un pacte de non-agression. Cf. E 2001(E)1970/217/367.↩
- 4
- Sur la question de l’intégration économique européenne, cf. DDS, vol. 18, table méthodique: III.2.2. La Suisse et l’Organisation européenne de Coopération économique et DDS, vol. 19, doc. 41, dodis.ch/8615, Nos 1, 20, 61, 131 et 135 dans le présent volume et le projet de création d’une zone européenne de libre échange du 5 avril 1955, E 2001(E)1970/ 217/364 (dodis.ch/13314). Cf. aussi E 2001(E)1970/217/364 –367.↩
- 5
- La Conférence de l’OTAN a eu lieu du 16 au 19 décembre 1957 à Paris. Le Conseil a proclamé à nouveau son attachement aux buts et aux principes de l’Alliance et a réaffirmé sa postition concernant le maintien de la paix et de la securité.↩
- 6
- En décembre 1957, la BBC a diffusé une série de discours de G. Kennan, nommés les Reith-Lectures. Kennan a plaidé pour l’idée du disengagement, demandant le retrait militaire partiel des USA et de l’URSS de l’Europe et la neutralisation de l’Allemagne réunifiée. Ces propos ont provoqué de vives critiques, lui reprochant avant tout sa naïveté envers l’URSS.↩
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